Adopté en réunion plénière du 14 janvier 2025 (version PDF)
Description de la saisine
Le 27 juillet 2024, Mme Lise Choisnet, agissant au nom de l’Église de Scientology et Celebrity Center du Grand Paris (ESCCGP) en qualité de présidente, a saisi le CDJM à propos de la séquence « L’œil du 20 h » diffusée dans l’édition du 26 juin 2024 du JT de 20 h de France 2, également disponible en vidéo sous le titre « Enquête : en infiltration au sein de la scientologie » sur le site de Franceinfo.
Mme Choisnet formule trois griefs : utilisation de méthodes déloyales lors du recueil d’information, non-respect de l’exactitude et de la véracité, suppression d’informations essentielles. Elle affirme qu’une journaliste de France 2, avant de solliciter une autorisation de tournage, « s’est infiltrée [dans les locaux de l’ESCCGP, ndlr] sous une fausse identité », en ayant recours à une caméra cachée. Selon elle, la présentation de « la bataille judiciaire menée par la mairie [de Saint-Denis, ndlr] » omet « de mentionner le résultat des décisions juridiques [condamnant] la mairie et l’État ». Enfin, l’autrice du reportage indiquerait sur ses comptes LinkedIn et sur X des informations inexactes sur les sommes qu’elle aurait été amenée à payer lors de son infiltration à l’ESCCGP. Mme Lise Choisnet joint à sa saisine six documents à l’appui de ces griefs.
Règles déontologiques concernées
Les textes déontologiques auxquels le CDJM se réfère précisent les obligations du journaliste.
À propos du recueil de l’information :
- Il « n’utilisera pas de méthodes déloyales pour obtenir des informations, des images, des documents et des données […], fera toujours état de sa qualité de journaliste et s’interdira de recourir à des enregistrements cachés d’images et de sons, sauf si le recueil d’informations d’intérêt général s’avère manifestement impossible », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 4).
- Il n’use pas « de méthodes déloyales pour obtenir des informations, des photographies et des documents », selon la Déclaration des droits et devoirs des journalistes (Munich, 1971, devoir no 4).
- Il « proscrit tout moyen déloyal et vénal pour obtenir une information. Dans le cas où sa sécurité, celle de ses sources ou la gravité des faits l’obligent à taire sa qualité de journaliste, il prévient sa hiérarchie et en donne dès que possible une explication au public », selon la Charte d’éthique professionnelle des journalistes français (1918-1938-2011).
À propos du respect de l’exactitude et de la véracité :
- Il « tient l’esprit critique, la véracité, l’exactitude, l’intégrité, l’équité, l’impartialité, pour les piliers de l’action journalistique ; tient l’accusation sans preuve, l’intention de nuire, l’altération des documents, la déformation des faits, le détournement d’images, le mensonge, la manipulation, la censure et l’autocensure, la non-vérification des faits, pour les plus graves dérives professionnelles », selon la Charte d’éthique professionnelle des journalistes français (1918-1938-2011).
- Il doit « respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître », selon la Déclaration des droits et devoirs des journalistes (Munich, 1971, devoir no 1).
- Il doit « respecter les faits et le droit que le public a de les connaître », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 1).
- Il doit « publier seulement les informations dont l’origine est connue ou les accompagner, si c’est nécessaire, des réserves qui s’imposent », selon la Déclaration des droits et devoirs des journalistes (Munich, 1971, devoir no 3).
- Il « ne rapportera que des faits dont [il] connaît l’origine, ne supprimera pas d’informations essentielles et ne falsifiera pas de documents. [Il] sera prudent dans l’utilisation des propos et documents publiés sur les médias sociaux », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 3).
- Il « considérera comme fautes professionnelles graves le plagiat, la distorsion des faits, la calomnie, la médisance, la diffamation, les accusations sans fondement », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 10).]
Réponse du média mis en cause
Le 17 septembre 2024, le CDJM a adressé à M. Alexandre Kara, directeur de l’information de France Télévisions, avec copies à Mme Lorraine Poupon, journaliste, et à M. Hugo Plagnard, rédacteur en chef du 20 h de France 2, un courriel les informant de cette saisine et les invitant à faire connaître leurs observations, comme le prévoit le règlement du CDJM.
Le 27 septembre 2024, Mme Muriel Pleynet, directrice de la rédaction nationale de France Télévisions, a adressé au CDJM, sous couvert de la direction juridique de France Télévisions, une réponse dans laquelle elle indique qu’il n’y a pas, selon elle, eu de recours à des « méthodes “déloyales” lors du recueil d’information » et que « l’utilisation de la caméra cachée par la journaliste était indispensable pour aborder ce sujet d’intérêt général de manière aussi transparente que possible pour les téléspectateurs ». Elle ajoute que « les questions envoyées par [la journaliste] après son infiltration ne sont pas substituables à l’usage de la caméra cachée, mais seulement complémentaires » et que « les commentaires de la journaliste sur les réseaux sociaux et dans son reportage ne portent que sur les formations qui lui ont été proposées à l’achat ». Elle joint trois documents à sa réponse, dont le rapport 2021 de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes).
Analyse du CDJM
➔ Le reportage en cause de la série « L’œil du 20 h », d’une durée de 5 min 51 s, est présenté ainsi par Mme Anne-Sophie Lapix, la présentatrice :
« C’est à Saint-Denis que vont bientôt emménager les athlètes olympiques. Et c’est aussi à Saint-Denis que vient d’être inauguré, en avril, un nouveau centre de formation de l’Église de scientologie. Il faut dire que le mouvement serait en pleine expansion en France, selon ses responsables. Mais qu’apprend-on dans ce centre de formation ? “L’œil du 20 h” l’a infiltré. »
Le reportage est introduit par une série d’images montrant un document de présentation du site de l’Église de scientologie, une vue aérienne de Saint-Denis, et l’entrée du bâtiment. Ces images sont commentées ainsi : « Un phare de liberté, aux portes de Paris : c’est ce que l’Église de scientologie annonce vouloir devenir. En avril, à quelques mois des Jeux, le mouvement ouvrait son nouveau centre à 500 mètres à peine du Stade de France. Et ne cachait pas sa volonté de séduire de nouveaux adeptes. Mais alors que se passe-t-il derrière ces portes ? La scientologie a-t-elle pour ambition de s’étendre en France ? »
Le reportage proprement dit de « L’œil du 20 heures » débute par l’indication que « la mairie de Saint-Denis a tenté de s’opposer [en justice à la construction de ce centre] en vain ». Puis il est dit que « pour pénétrer à l’intérieur, nous avons fait une demande de tournage officielle qui nous a été refusée ». La journaliste, Mme Lorraine Poupon, poursuit ainsi : « Pour passer les portes de ce centre, je me suis infiltrée en caméra cachée pendant plusieurs semaines. » On la voit accueillie au siège de l’Église de scientologie par une bénévole à laquelle elle se présente comme « une trentenaire sans emploi à la recherche de sens dans sa vie ». Puis elle explique ce qui lui est proposé « pour améliorer [sa] vie » et « progresser vers la liberté totale grâce à des cours ».
Suit le témoignage anonymisé d’un ancien adepte qui dit que critiquer l’Église de scientologie conduit à être déclaré « personne suppressive ». En contrepoint est citée une explication de l’Église de scientologie sur ce qu’elle entend par « personne suppressive ». Une brève liaison relativise le nombre de membres français revendiqué par la scientologie, et cite un rapport de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) qui « s’inquiète d’une stratégie de reconquête ciblant des personnes fragiles ».
La séquence suivante, en partie composée d’images enregistrées en caméra cachée, concerne le « programme de purification » proposé aux adeptes, et cite la réponse de l’Église de scientologie sur les critiques faites à ce programme. La journaliste indique dans la dernière séquence qu’« en moins de deux semaines, ce ne sont pas moins de sept formations qui [lui] ont été proposées, pour un coût total de 2 500 euros ». Un ancien scientologue anonyme affirme que le « personnel est incité à vendre le plus de programmes possibles ». Le point de vue de l’Église de scientologie, qui dément cette incitation, est ensuite cité. La journaliste conclut en précisant qu’elle a été relancée « à seize reprises » pour « poursuivre son intégration au sein du mouvement ».
Sur le grief d’utilisation de méthodes déloyales pour recueillir des informations
Plusieurs éléments sont cités par l’ESCCGP, association requérante, à l’appui de ce grief.
➔ L’utilisation d’une fausse identité. L’ESCCGP dénonce le fait que « la journaliste, Mme Lorraine Poupon, s’est infiltrée sous une fausse identité (Diana Benklifa) ». Mme Muriel Pleynet, directrice de la rédaction nationale de France Télévisions, fait valoir qu’« une infiltration sous un faux nom ou en dissimulant sa qualité de journaliste peut être nécessaire à l’enquête journalistique. Les mêmes éléments n’auraient pu en effet être révélés si la journaliste s’était présentée en tant que telle. Il ne s’agit pas de manœuvres déloyales. »
Le CDJM constate que si la journaliste avait donné son vrai nom et sa qualité de journaliste, l’accès au bâtiment, et plus certainement aux échanges entre un bénévole et quelqu’un « à la recherche de sens dans sa vie » ainsi qu’aux formations proposées, lui aurait été sans doute impossible. De ce fait, il considère que la recherche d’informations d’intérêt général prévaut dans ce cas et autorise à pratiquer l’infiltration dans les conditions décrites dans les chartes de déontologie (cf. charte mondiale de la FIJ, 2019, article 4) ou dans la « Charte des antennes de France Télévisions », pages 22-23).
➔ L’antériorité de l’infiltration par rapport à la demande officielle de tournage. L’ESCCGP reproche dans sa saisine à « la journaliste [de] suggérer de façon malhonnête [dans son commentaire, ndlr] que l’infiltration s’expliquerait par notre refus d’autoriser un tournage officiel. Or, elle a commencé son infiltration le 6 juin 2024 (annexe 1) bien avant de solliciter un tournage officiel le 13 juin suivant (annexe 2). » La requérante fournit à l’appui de cette affirmation une copie du relevé des entrées dans le centre de Saint-Denis, qui indique la venue le 6 juin à 12 h 15 d’une certaine Diana Benklifa, et un courriel reçu le 13 juin à 16 h 55 de Mme Lisa Beaujour, journaliste à France Télévisions, sollicitant une autorisation de tournage. Elle considère que cela démontre que « la journaliste souhaitait simplement donner un ton sensationnaliste à son sujet en usant d’une caméra cachée ».
France Télévisions indique en réponse que « concernant la demande de tournage officielle, la jurisprudence et l’Arcom ne prévoient pas qu’elle doit obligatoirement se faire en amont de l’infiltration. En l’espèce, une demande officielle de tournage avant l’infiltration aurait éveillé des soupçons de l’ESCCGP et n’aurait pas permis à la journaliste d’enquêter librement et de manière sérieuse. »
Un journaliste peut procéder à une infiltration et, en télévision, utiliser une caméra cachée, en dernier recours, après avoir épuisé les autres possibilités de reportage et de tournage ouverts. Leur utilisation est cependant soumise à plusieurs conditions que rappelle par exemple la « Charte des antennes de France Télévisions » : « nécessité de l’information du public, impossibilité de recueillir l’information par un autre moyen, avoir réalisé un travail d’enquête préliminaire, démontrer la tentative d’interview préalable, se présenter comme journaliste, sauf en cas d’infiltration, informer le public du recours à la caméra cachée, respect de la dignité de la personne. »
Le refus officiel de tournage, qui « démontre la tentative d’interview préalable », doit bien précéder l’infiltration et l’utilisation de caméra cachée.
En l’espèce, le commentaire laisse entendre que l’infiltration a suivi un refus de tournage : « pour pénétrer à l’intérieur, nous avons fait une demande de tournage officielle qui nous a été refusée. Pour passer les portes de ce centre, je me suis infiltrée en caméra cachée pendant plusieurs semaines », dit le commentaire.
Une demande officielle aurait d’autant moins « éveillé les soupçons de l’ESCCGP », comme le redoute France Télévisions, que la journaliste Mme Lorraine Poupon s’est présentée sous un faux nom dans les locaux de l’Église de scientologie à Saint-Denis, que c’est une autre journaliste, Mme Lisa Beaujour, qui a fait finalement la demande de tournage. Celle-ci aurait donc pu tout aussi bien la faire avant l’infiltration de sa consœur. Enfin, une infiltration réussie, sous fausse identité, reste envisageable après qu’un tournage traditionnel ait été refusé, dans un bâtiment qui reçoit de façon régulière des visiteurs.
Pour le CDJM, commencer un tournage en caméra cachée dans le centre de l’Église de scientologie, avant même de savoir de façon officielle qu’un tournage en caméra ouverte était impossible, est une méthode déloyale contraire à la déontologie.
➔ L’usage de la caméra cachée. Pour la requérante, « la journaliste avait bien d’autres façons de procéder. La preuve : elle a envoyé une série de questions (orientées) à l’Église deux jours avant la diffusion du reportage et nous nous sommes efforcés d’apporter des réponses précises en moins de 24 h » et « en outre toutes les informations sont librement accessibles en ligne ».
Mme Muriel Pleynet, directrice de la rédaction nationale de France Télévisions, explique que « l’objectif du reportage était d’informer le public sur le processus d’adhésion d’une personne souhaitant intégrer le nouveau centre de l’Église de scientologie à Saint-Denis » et que « au cours de son enquête, la journaliste a relevé que la Miviludes, dans son rapport de 2021, soulignait un “manque de transparence du groupe qui semble cibler des personnes fragiles, en souffrance, confrontées à des drames personnels ou à des questions existentielles” ». Mme Pleynet ajoute qu’« en conséquence, afin de comprendre les conditions du recrutement, elle a fait le choix de s’infiltrer au sein de l’ESCCGP, car il est indéniable qu’il aurait été impossible d’obtenir l’information, de manière transparente et avec une précision aussi fidèle à la réalité, par un autre moyen que celui de la caméra cachée ».
Le CDJM considère que les informations disponibles en ligne sur les sites internet de l’Église de scientologie ou dans ses communiqués, si elles sont une source disponible, sont insuffisantes pour rendre compte de ce qui est effectivement dit et proposé à quelqu’un « à la recherche de sens dans sa vie » et, comme l’écrit France Télévisions, « de présenter fidèlement le processus d’adhésion au sein de l’ESCCGP ». Le sujet étant d’intérêt public, l’usage de la caméra cachée est justifié.
➔ L’identification du lieu. La requérante note que « le lieu du reportage est clairement identifiable, en violation du cahier des charges de France Télévision d’après lequel, en cas de recours à une caméra cachée, “les personnes et les lieux ne doivent pas pouvoir être identifiés, sauf exception ou si le consentement des personnes a été recueilli préalablement à la diffusion de l’émission” ». À quoi la directrice de la rédaction nationale de France Télévisions objecte que « le reportage s’inscrit dans le cadre d’un événement d’actualité, à savoir l’inauguration, le 6 avril 2024 à Saint-Denis, d’un nouveau centre de l’Église de scientologie de plus de 7 000 mètres carrés. Le lieu de tournage est donc nécessairement identifiable par l’objet même du reportage ».
Le reportage ne montre que la façade du siège de l’Église de scientologie à Saint-Denis, bâtiment emblématique qui en est l’objet et le cœur. Les images tournées à l’intérieur en caméra cachée ne montrent aucune pièce identifiable. Aucun des interlocuteurs de la journaliste n’est reconnaissable. Le fait que la façade soit montrée ne demande aucune autorisation préalable et ne constitue pas une faute déontologique.
➔ En résumé de cette partie, le grief d’utilisation de méthodes déloyales n’est fondé que sur le seul motif de ne pas avoir attendu une confirmation officielle de l’impossibilité de tourner avant de commencer l’infiltration.
Sur le grief de suppression d’informations essentielles
➔ La requérante reproche à la journaliste de ne pas avoir détaillé le jugement qui a rendu la construction du centre de la scientologie possible malgré l’action en justice de la mairie. Elle constate que « le reportage indique que l’installation de l’Église » a fait l’objet d’une « “bataille juridique” et se contente de relever que “la mairie de Saint-Denis a tenté de s’y opposer en vain” ». Elle note qu’il n’est pas « mentionné le résultat des décisions juridiques : condamnation de la mairie et de l’État pour détournement de pouvoir et reconnaissance de la légitimité du projet ».
La directrice de la rédaction nationale de France Télévisions souligne que le commentaire de la journaliste expose la bataille judiciaire menée par la mairie de Saint-Denis et indique « clairement l’issue de cette bataille juridique par l’expression “en vain” ».
➔ Les procédures passées pour s’opposer à la construction de ce centre de l’Église de scientologie ne sont pas l’objet du reportage. Elles sont mentionnées comme élément de contextualisation. Que les attendus et le détail des décisions de justice ne soient pas mentionnés dans le commentaire n’apparaît pas comme l’absence d’une information essentielle à la compréhension des faits.
Sur le grief de non-respect de l’exactitude et de la véracité
➔ Ce grief ne concerne pas directement le reportage, mais les messages de la journaliste Mme Lorraine Poupon l’annonçant ou le relayant sur les réseaux sociaux. Bien que cela constitue un acte journalistique distinct du reportage diffusé dans « L’œil du 20 h », le CDJM a retenu ce grief pour analyse, d’autant que Mme Lorraine Poupon se présente sur son compte LinkedIn comme « journaliste Œil du 20 h France 2 » et sur son compte sur X comme « journaliste Œil du 20h ». Elle s’exprime sur ces comptes en tant que journaliste et doit à ce titre se conformer aux règles déontologiques de sa profession.
Elle écrit ainsi sur LinkedIn cette publication, dont certains passages sont en gras :
« Dans les coulisses de la Scientologie.
Pour ma dernière enquête (de la saison 2023-24 hein !), je me suis infiltrée chez les scientologues.
En avril, et sans que cela fasse grand bruit, l’Église de scientologie a inauguré son nouveau siège français en grandes pompes. Un bâtiment flambant neuf à 33 millions d’euros pour mettre un coup d’accélérateur dans leur implantation.
Une fois les portes passées, j’y ai découvert qu’on m’a (très) vite fait sortir la carte bleue pour me faire acheter toujours plus de cours et de séminaires. On y apprend le culte du fondateur L. Ron Hubbard, la défiance à l’égard des psys et (sans surprise) des médias. Tout ça, pour progresser “sur le pont vers la liberté totale”. Rien que ça ! Avec un point d’orgue atteint quand ils ont tenté de me vendre leur programme “Purif”.
(PS : une semaine que je n’y ai pas mis les pieds et ce matin encore mes interlocuteurs tentaient de me rappeler pour prendre de mes nouvelles et, probablement, me faire revenir). »
Sur X, la journaliste a posté un message le 27 juin 2024 accompagnant un lien renvoyant vers son reportage : « Pour #loeildu20h, j’ai passé plusieurs semaines dans le nouveau siège français de l’Église de scientologie, ouvert en grande pompe en avril. On nous y promet la “liberté totale”, mais à quel prix ? » Elle répond à sa propre question dans le post suivant : « (A priori plusieurs milliers d’euros car en scientologie, tout est payant et tout coûte cher !) »
➔ La requérante, qui adresse au CDJM une copie de l’état des comptes de « Diana Benklifa » dressé par l’Église de scientologie, affirme qu’« en réalité, la journaliste a dépensé chez nous en tout et pour tout 131 euros en deux semaines. Cela comprend 4 livres, un séminaire et un cours qu’elle a suivi. On est loin des milliers d’euros. La journaliste aurait dû être exacte, prudente, et ne pas exprimer son animosité et ses biais personnels sur les réseaux sociaux. »
France Télévisions répond que « les commentaires de la journaliste sur les réseaux sociaux et dans son reportage ne portent que sur les formations qui lui ont été proposées […] accompagnées des prix qui lui ont été communiqués par les chargés d’accueil de l’ESCCGP, le tout pour 2 551 euros. […] À aucun moment elle n’affirme avoir dépensé des milliers d’euros. » Mme Muriel Pleynet souligne que « la journaliste a pris la même précaution dans le reportage. Quand elle affirme […] “ce ne sont pas moins de sept formations qui m’ont été proposées, pour un coût total de 2 500 euros” ».
➔ Le message diffusé sur X ne suggère pas l’achat des formations par la journaliste. Celui qui figure sur LinkedIn est plus discutable, mais n’affirme pas que la journaliste a dépensé plus que les 131 euros qui figurent sur les décomptes de l’Église de scientologie. Quand la journaliste dit qu’on lui a « très vite fait sortir la carte bleue », elle rapporte un fait confirmé par le décompte de l’Église de scientologie. Elle ne dit pas qu’elle a dépensé des milliers d’euros, comme veut le comprendre la requérante. Le CDJM constate que celle-ci ne nie pas la valeur annoncée des formations, qui est une des informations importantes données dans le reportage. Que la journaliste ait acheté des formations ou qu’on lui ait proposé des formations à acheter ne change pas leur prix. Il n’y a pas d’inexactitude.
Conclusion
Le CDJM, réuni le 14 janvier 2025 en séance plénière, estime que les obligations déontologiques d’exactitude et de véracité, de non suppression d’information essentielle n’ont pas été enfreintes, mais que la prohibition de méthodes déloyales lors du recueil d’information l’a été pour un des quatre motifs soulevés par la requérante.
La saisine est déclarée partiellement fondée.
Cet avis a été adopté par consensus.