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États généraux de l’information : le CDJM fait cinq propositions

États généraux de l’information : le CDJM fait cinq propositions Posted on 21 novembre 2023

Ce document présente cinq propositions concrètes du CDJM, proposées aux États généraux de l’information (EGI) et adoptées par son conseil d’administration le 15 novembre 2023 (voir la version PDF). 

Proposition 1 / Renforcer le rôle et la place de l’autorégulation de la déontologie de l’information 

Proposition. Le CDJM forme le vœu que les EGI recommandent l’adhésion de tous les médias, y compris les médias audiovisuels, à une instance d’autorégulation indépendante comme le CDJM.

Cela traduirait la volonté de ces médias de mieux répondre aux interrogations du public par un regard indépendant sur les pratiques déontologiques et d’enrichir la réflexion sur les bonnes pratiques professionnelles. 

Le CDJM estime qu’une reconnaissance institutionnelle de la nécessité de l’autorégulation indépendante de la déontologie de l’information contribuera à renforcer la confiance du public dans les médias et la qualité du débat démocratique.

Développement. Le baromètre annuel de La Croix sur la confiance des Français dans les médias et celui, international, publié par l’institut Reuters (Université d’Oxford) montrent que la confiance des citoyens français dans les médias est l’une des plus faibles en Europe.

Ce contexte de défiance engendre une fragilité démocratique dans laquelle s’engouffrent la désinformation et les manipulations relayées notamment par les réseaux sociaux.

La possibilité pour tout citoyen de questionner les règles déontologiques, d’obtenir un avis argumenté sur ses interrogations, de mieux appréhender les notions de ligne éditoriale, de liberté d’expression ou de choix rédactionnel permet de créer une relation d’échange et de réflexion sereine entre les médias et leurs publics. C’est l’objet des conseils de presse dans le monde entier. 

L’autorégulation, à laquelle participent les professionnels et des représentants du public, est l’une des voies permettant de regagner cette confiance. La mise en place d’instances de dialogue indépendantes favorise l’émergence de relations apaisées entre les citoyens et les producteurs d’information.

Les pays européens qui bénéficient d’une tradition d’autorégulation de la déontologie de l’information enregistrent des taux de confiance élevés envers les médias : Belgique 44 %, Finlande 69 %, alors que la France, qui pourtant enregistre une légère amélioration, atteint 30 % (Reuters 2023). 

La déontologie de l’information est au cœur de la qualité de l’information. Sa défense est un rempart aux attaques visant la liberté de la presse et la liberté éditoriale.

Des chartes de déontologie des journalistes existent, notamment les trois sur lesquelles s’appuie le CDJM : 

  • la Charte d’éthique professionnelle des journalistes (SNJ, 1918-1938-2011),
  • la Déclaration des droits et devoirs des journalistes (adoptée par les syndicats européens à Munich en 1971), 
  • la Charte mondiale d’éthique des journalistes (créée par la Fédération internationale des journalistes en 2019). 

Certains médias ont mis en place de leur côté des chartes internes.

Le respect et la mise en pratique des droits et devoirs des journalistes sont essentiels pour la qualité de l’information et la préservation de ce bien commun. 

Les conseils de presse sont un lieu idéal pour réfléchir sur les pratiques déontologiques des médias, sur l’impact des innovations technologiques (intelligence artificielle par exemple). Leur constitution tripartite permet de mobiliser l’ensemble des parties prenantes et d’améliorer les pratiques au-delà des positions partisanes.  

Proposition 2 / Inciter les professionnels et le public à participer aux démarches d’autorégulation 

Proposition. Encourager l’adhésion des professionnels à une instance d’autorégulation dans une démarche collective. 

Promouvoir la possibilité pour le public de saisir un organe d’autorégulation de la déontologie journalistique.

Intégrer le public aux réflexions sur l’avenir de l’information. 

Inviter les autorités de tutelle à amener l’audiovisuel public à adhérer à un organe d’autorégulation. 

Initier, à l’instar de nombreux conseils de presse européens, une réflexion tripartite sur la constitution d’un corpus complémentaire de bonnes pratiques de déontologie journalistique. 

Encourager l’adhésion des professionnels à une instance d’autorégulation dans une démarche collective, pour le bien commun, qui dépasse les intérêts propres de chaque média.

Développement. La révolution numérique amplifie la confusion entre les informations produites par des journalistes et d’autres sources dont la finalité n’est pas seulement l’intérêt du public à être informé. La qualité et la fiabilité de l’information représentent pourtant un enjeu démocratique majeur. La liberté d’opinion, pleine et entière, de la société, en dépend. 

A ce titre, le public doit être associé à la réflexion sur la déontologie. L’organisation tripartite des conseils de presse, composés d’éditeurs, de journalistes et du public, permet d’ouvrir les échanges au-delà de la sphère strictement professionnelle et de proposer des solutions collectives concrètes, illustrées notamment par les débats du conseil, la publication d’avis et de recommandations.

Il est nécessaire de développer auprès du public la connaissance de l’autorégulation et la possibilité de saisir un conseil de presse. 

Tous les médias sont concernés puisque le CDJM base la recevabilité des saisines sur l’acte journalistique, quel que soit le support. 

Proposition 3 / Articuler l’autorégulation de la déontologie de l’information et la régulation de l’audiovisuel

Proposition. Le CDJM souhaite une clarification des rôles de l’instance de régulation et des instances d’autorégulation en matière de déontologie de l’information. Cette clarification devrait s’inspirer de la situation en Belgique francophone, où les questions relevant uniquement du respect de la déontologie journalistique sont renvoyées par l’autorité administrative de régulation de l’audiovisuel au Conseil de déontologie journalistique (CDJ). 

Développement. L’Arcom a notamment pour mission de veiller à la déontologie des programmes audiovisuels. Les émissions d’information sont des programmes et entrent à ce titre dans le cadre de la régulation des dispositions légales concernant la protection de la dignité humaine et des mineurs, la discrimination, la distinction du contenu journalistique et de la publicité.

Les principes éthiques et les règles déontologiques que se sont donnés les professionnels de l’information dans les démocraties depuis plus d’un siècle encadrent également ces thèmes et vont au-delà.

Pour éviter que certains médias dépendent de deux instances dans les champs communs au droit et à la déontologie, il importe d’organiser l’articulation entre les instances de régulation et d’autorégulation. Cette question se pose dans plusieurs pays.

Les différences entre l’Arcom et le CDJM ne manquent pas :

Le CDJM est une instance d’autorégulation de la déontologie de l’information, éditée, publiée ou diffusée par tous les médias d’information. Le champ de l’Arcom est aujourd’hui l’audiovisuel mais ne cesse de croître (cf conséquences des directives européennes DSA et EMFA) ; sa mission est de faire respecter les lois en vigueur et de prononcer éventuellement des sanctions en cas d’infraction. 

La notion même de sanction concernant le respect de la déontologie de l’information est dangereuse. Le risque est qu’une autorité politique ou administrative glisse volens nolens du respect des « bonnes pratiques » à l’analyse des choix éditoriaux des rédactions et des journalistes. C’est pour cette raison que, dans aucune démocratie, une instance d’autorégulation de la déontologie du journalisme n’a de pouvoir de sanction.

Les membres du CDJM ne sont pas nommés par le pouvoir politique. Le Conseil n’a pas d’autre rôle que de se prononcer sur le respect de la déontologie de l’information définie par des chartes auxquelles les professionnels se réfèrent. Il n’a aucun pouvoir de sanction. Il rend public ses avis et ses recommandations.

Enfin, on ne peut envisager aujourd’hui l’autorégulation de la déontologie journalistique sans prendre en compte la convergence des médias. De plus en plus, les mêmes contenus sont diffusés sur des supports différents, écrits, numériques, audiovisuels. Les règles déontologiques du journalisme sont les mêmes quel que soit le support, et l’acte d’informer n’a pas d’éthique différente selon les supports.

Proposition 4 / Pérenniser la mission du CDJM 

Proposition. Consolider l’existence d’un conseil de presse français avec un financement public pluriannuel et proposer un véhicule adéquat (TVA / aides à la presse / taxes sur les produits numériques…). 

Reconnaître le CDJM comme association d’intérêt public. Le CDJM est depuis juin 2022 association d’intérêt général à vocation culturelle. Le rôle de l’autorégulation et l’importance de la qualité de l’information justifient l’inscription du CDJM comme Association reconnue d’intérêt public.

Développement. Afin de renforcer son indépendance, le CDJM a diversifié ses ressources, notamment en faisant appel aux contributions de fondations et en remportant plusieurs appels à projets européens.

Le CDJM bénéficie d’une subvention pluriannuelle de la DGMIC depuis fin 2020. Il souhaite que ce soutien soit confirmé et renouvelé. 

Au regard de l’analyse du budget des quatre années de l’association, de son activité – 700 saisines reçues, 130 avis publiés, multiples participations à des événements liés à l’information et au journalisme, publication de recommandations, contributions aux réflexions professionnelles et officielles via des rapports, travaux en commissions… –, des comparaisons avec les budgets des conseils de presse européens, il apparaît cohérent et légitime de pérenniser la contribution publique au financement du CDJM aux côtés des adhésions, du financement privé et des appels à projets européens. 

Proposition 5 / Participer aux démarches européennes d’autorégulation 

Proposition. Défendre l’autorégulation dans le cadre du débat européen sur la qualité de l’information. 

Œuvrer pour que la législation européenne sur la liberté des médias (EMFA European Media Freedom Act) prenne en compte le respect de la déontologie et reconnaisse l’importance de son autorégulation et celle des journalistes dans la production des contenus d’information. 

Développement. Il existe une centaine de conseils de déontologie journalistique ou conseils de presse dans le monde, le plus ancien ayant été créé en Suède en 1916. La France s’est dotée tardivement d’un conseil de presse qui a rapidement été utilisé par les citoyens. Les organisations internationales telles que l’Union européenne, le Conseil de l’Europe, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ainsi que l’Unesco incitent à leur création. Elles considèrent que la liberté de pensée et d’expression comme la liberté de communiquer et d’informer sont au cœur de la démocratie et doivent être préservées, et que les citoyens doivent pouvoir dialoguer sereinement avec ceux qui les informent. 

Plusieurs États de l’UE incitent les médias publics et privés à rejoindre une instance d’autorégulation de la déontologie de l’information, comme c’est le cas en Belgique, ou en Allemagne pour les médias électroniques.

La coopération entre ces instances existe au sein de l’Alliance of Independent Press Councils of Europe (AIPCE). Il serait nécessaire que l’Union européenne la reconnaisse comme un interlocuteur incontournable sur les questions d’éthique du journalisme. 

La législation européenne sur la liberté des médias devrait, selon le CDJM, soutenir davantage la création et le développement de ces conseils de presse et inciter les Etats membres à faciliter leur existence dans le respect absolu de leur indépendance. 

Dans le cadre de l’EMFA, il est souhaitable que les autorités françaises soutiennent une harmonisation européenne de la régulation et de l’autorégulation.

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