Cette contribution fait partie des textes publiés par le CDJM pour contribuer au débat sur la déontologie journalistique.
« Les faits sont les matières des opinions, et les opinions, inspirées par différents intérêts, et différentes passions, peuvent différer largement et demeurer légitimes aussi longtemps qu’elles respectent la vérité des faits. »
Hannah Arendt « Vérité et politique », dans La Crise de la culture : huit exercices de pensée politique, éditions Gallimard.
Le débat sur le contenu de l’information est nécessaire. Chaque citoyen peut et doit s’interroger sur la façon dont il est informé. C’est une des conditions de la démocratie. Le CDJM peut être un des lieux de ce questionnement quand il s’agit de respect de la déontologie journalistique. Quelques précisions sont nécessaires pour expliciter son approche.
Il ne faut pas confondre liberté d’expression et liberté d’information. La première est clairement définie dans l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948(1) comme le droit de l’individu à exprimer une opinion. Mais être journaliste ce n’est pas simplement user de cette liberté d’expression. C’est prendre la parole dans l’espace social en respectant des valeurs qui sont la recherche de la vérité, l’exactitude, l’indépendance, le respect des individus, le respect du public et la responsabilité.
Il ne faut pas confondre respect de la déontologie et pluralisme. L’article 4 de la Constitution française pose que « la loi garantit les expressions pluralistes des opinions ». Le pluralisme n’est pas l’expression dans un même titre de toutes les opinions. Il est dans la plus grande diversité possible des sources accessibles pour le public et s’apprécie en regard de l’ensemble de ce qui est publié et diffusé. Le respect du pluralisme n’est pas du ressort du CDJM.
Il y a souvent confusion entre ligne éditoriale et déontologie. Homme politique confronté à un sujet délicat voire objet d’une enquête, citoyen choqué par le contenu d’un journal télévisé, militant en désaccord avec ce qu’il vient de lire, tous ont facilement le rappel à l’ordre déontologique à la bouche ou sous la plume. Bien souvent, il n’y a pas entorse aux règles professionnelles du journalisme. C’est la ligne éditoriale du journal qui est en cause, c’est-à-dire le libre choix pour une rédaction de choisir les sujets qu’elle traite, et de les traiter sous un angle déterminé. Le CDJM s’interdit de se prononcer sur ces choix. Les saisines qui ne reposent que sur la critique d’une ligne ou d’un choix éditorial sont irrecevables pour le CDJM.
Il existe fondamentalement deux genres de travail journalistique, le journalisme factuel qui consiste à recueillir les faits et les événements, à les vérifier et à les situer dans leur contexte, et le journalisme d’opinion où sont exprimés des pensées, des idées, des croyances ou des jugements de valeur sous forme d’éditoriaux, de points de vue, de commentaires, de prises de position.
Le CDJM estime qu’il n’y a pas dans le journalisme de moment hors déontologie. Il peut donc être saisi d’un acte journalistique relevant du journalisme d’opinion. Il l’examinera en considérant d’abord que l’expression de convictions ou de positions doit être identifiée comme telle pour le public et ne peut se faire qu’en exposant les faits les plus pertinents sur lesquels elle se fonde et en explicitant de façon rigoureuse le raisonnement qui la justifie. Lorsqu’il y a extrapolation du vrai vers le vraisemblable, cela doit être transparent, et, si le journaliste d’opinion s’appuie sur des rumeurs ou des hypothèses, il doit les présenter comme telles. Le CDJM considère enfin que ce journaliste d’opinion dispose d’une grande latitude dans le choix du ton et du style qu’il adopte et des citations qu’il retient.
(1) « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi »