Cadeaux et invitations : les bonnes pratiques

Cette recommandation a été adoptée par le CDJM le 10 janvier 2023.

Journalistes de la presse économique ou spécialisée, chroniqueurs et critiques culturels, journalistes sportifs, vedettes des médias, journalistes isolés… : tous ces professionnels peuvent être l’objet de propositions, qu’elles soient clairement liées à leur travail ou a priori purement désintéressées. Voyages de presse, invitations à des manifestations, petits ou beaux cadeaux, les tentateurs et les tentations sont légion.

Certains journalistes doivent davantage que d’autres gérer cette contradiction, parce qu’ils sont exposés à des sollicitations plus fréquentes. La question à laquelle tentent de répondre rédactions et journalistes est très simple : faut-il ou non accepter les cadeaux, invitations et voyages dans une rédaction ? Cette recommandation propose quelques repères déontologiques.

Il est cependant un principe de base : un journaliste n’accepte pas de cadeaux, sous quelque forme que ce soit. Il ne reçoit pas de cadeaux dans l’exercice de ses fonctions. Il n’en sollicite évidemment jamais. 

Il faut aussi s’interroger sur la démarche de la personne qui offre les cadeaux. Sont-ils pour lui un outil de promotion de ses produits ou un outil de subornation du journaliste ? Ils ne sont en tous les cas jamais désintéressés.

Le CDJM rappelle que les règles de rigueur, d’exactitude, d’impartialité, d’équité et d’intégrité, président à la profession de journaliste. À ce titre, l’acceptation des cadeaux est en contradiction avec ces règles.

Ce document présente quelques clés pour éviter les pièges des cadeaux, sous la forme d’un abécédaire.

Les bonnes pratiques

A

Accès gratuit. Les journalistes peuvent parfois assister gratuitement aux rencontres sportives, aux salons professionnels ou encore aux manifestations culturelles. Cet accès gratuit à un événement ne peut être soumis à une obligation d’article ou d’émission. La liberté éditoriale des journalistes reste totale : en aucun cas leurs articles ou leurs images ne peuvent être relus ou validés avant publication par l’organisateur du spectacle ou de la rencontre sportive. 

C

Cadeau. Les journalistes doivent refuser tout cadeau d’une valeur autre que symbolique. La valeur maximum acceptable doit être définie par la rédaction.

Il y a cependant des objets « journalistiquement utiles », qui sont davantage des outils de travail que des cadeaux. C’est leur devenir après l’éventuel traitement éditorial qui pose question. Ils ne doivent pas être systématiquement privatisés. Ils ne peuvent en aucun cas être revendus par les destinataires.

À charge pour chaque rédaction de définir le circuit que doivent prendre les objets reçus une fois le travail journalistique terminé. Les denrées périssables et objets culturels peuvent par exemple être donnés à des associations.

Conflits d’intérêts. Le journaliste se met à l’abri des conflits d’intérêts, il en avertit sa hiérarchie et demande à être déchargé du sujet qui le placerait dans cette situation.

Courtoisie. Un cadeau peut être exceptionnellement accepté au titre de relations conviviales de « bon voisinage ». Ce cadeau ne doit entraîner aucune obligation en contrepartie. Il ne peut être que de valeur modique.

D

Divulgation. Toute offre de cadeaux, gratifications, avantages, rabais, faite à un journaliste doit être signalée impérativement à la hiérarchie de la rédaction.

H

Hiérarchie de la rédaction. Les règles concernant les cadeaux, invitations, rabais et gratifications s’appliquent à tous les niveaux hiérarchiques de la rédaction.

I

Invitation. Les invitations à déjeuner ou à dîner ne peuvent être acceptées que si elles ont un caractère strictement ponctuel et un motif professionnel. Mieux vaut inviter qu’être invité. Les invitations qui incluent le ou la conjointe et les invitations pendant les congés sont à prohiber. 

L

Ligne éditoriale. Ce qui est reçu ou offert ne doit en aucune manière influer sur la ligne éditoriale d’une rédaction.

M

Marques. Un journaliste en charge d’une rubrique doit être attentif à ne pas privilégier les marques qui le sollicitent avec leurs nouveautés au détriment de celles qui le font moins. Il doit être conscient de la pression des marques et s’en libérer pour choisir les produits qu’il chroniquera.

Mise à disposition. La mise à disposition de véhicules, de matériel électronique, d’articles de mode ou tout autre objet ne peut être que ponctuelle et limitée dans le temps nécessaire au reportage ou au test. 

P

Politique. ​​Avoir des contacts informels, par exemple avec le personnel politique, peut permettre aux journalistes de mieux connaître les acteurs de la vie publique. Lors de ces moments partagés, propices aux confidences et au  « off », il est préférable que l’addition soit réglée par le journal, sur note de frais : il n’y a ainsi aucun « retour » possible à attendre pour l’interlocuteur du journaliste.

Les voyages à bord des véhicules ou d’avions affrétés par des acteurs de la vie publique ne sont pas des faveurs faites aux  journalistes : ce sont des dispositions pratiques qui ne peuvent être conditionnées à une demande éditoriale.

R

Retour à l’expéditeur. Une bonne pratique peut consister à retourner un objet envoyé spontanément à un journaliste qui n’en a pas d’utilité professionnelle.

Rubricards. Le fait d’être un journaliste en charge d’une rubrique – un « rubricard », chargé de tester les voitures, chronique littéraire ou cinéma, chronique gastronomique ou œnologique, rubrique mode ou beauté, rubrique « nouveaux produits », etc. – suppose une forte exigence éthique. Le rubricard n’accepte aucun cadeau pour son usage personnel. Il soumet à un travail éditorial exigeant le test ou la critique des produits ou œuvres.

Tous les tests et déplacements du rubricard sont encadrés par la hiérarchie de la rédaction qui en valide l’intérêt éditorial.

S

Service de presse. On appelle « service de presse » l’envoi par le service de communication d’une entreprise d’un objet (livre, disque, appareil électronique, cosmétiques, etc), pouvant faire l’objet d’un article ou d’une émission. Ce n’est pas un cadeau, c’est un produit adressé au média pour son actualité afin d’être éventuellement traité éditorialement.  

Le devenir de ces objets, qu’ils aient donné lieu ou non à un traitement éditorial, doit être transparent au moins au sein de la rédaction. 

Sollicitation. Un journaliste ne sollicite jamais un cadeau, une gratification ou un rabais ou une invitation.

T

Transparence. Par souci de transparence, il doit être fait mention, à l’intention des lecteurs, téléspectateurs ou auditeurs, de manière claire et sans ambiguïté, que l’article ou l’émission a été réalisé sur invitation en précisant la qualité de celui qui a invité et financé. La mention « envoyé spécial » est alors à proscrire : elle est réservée aux déplacements pris en charge par les médias.

V

Valeur. La valeur maximum des cadeaux de courtoisie doit être fixée par la rédaction. A titre d’exemple et à la date de rédaction de ce document, des médias ont fixé dans leur charte interne des plafonds qui vont de 50 euros à 80 euros.

Cela ne signifie pas qu’en deçà de ce seuil un cadeau serait acceptable en toute circonstance, pas plus que la répétition de cadeaux d’une valeur inférieure. Les réductions proposées par des entreprises aux journalistes ne peuvent être différentes de celles proposées au public.

Voyage de presse. Les frais de déplacement et d’hébergement liés à une invitation à un événement, quel qu’il soit, ne devraient jamais être réglés par un tiers. Le voyage sur invitation n’est accepté qu’exceptionnellement, en fonction de son seul intérêt éditorial. Il doit être strictement validé par la hiérarchie de la rédaction. Il donne lieu à un ordre de mission de l’entreprise de presse. Le reportage de retour ne donne jamais lieu à relecture ou visionnage par l’invitant.

Le voyage de presse s’effectue sur le temps de travail, jamais sur un temps de congés ou de RTT. Une invitation adressée également au conjoint ou à la conjointe est à refuser systématiquement.

Au cours du voyage de presse, le journaliste doit s’assurer de garder sa liberté d’action et de documentation. Le média doit mentionner sans ambiguïté de manière visible, lisible et audible, dans l’article ou l’émission, qu’il n’a pas pris en charge tout ou partie des frais liés à leur réalisation, et indiquer qui les a financés. 

Ce document a été préparé par un groupe de travail au sein du Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM). Il s’est réuni à quatre reprises entre septembre et novembre 2022, appuyant ses réflexions et ses échanges sur une analyse des chartes déontologiques françaises ou étrangères.

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