Adopté en réunion plénière du 18 mars 2025 (version PDF)
Description de la saisine
Le 20 octobre 2024, Mme X a saisi le CDJM à propos d’un article publié le 15 octobre 2024 dans les pages « Menton et sa région » de Nice-Matin et titré « Beausoleil : réunion publique sur les travaux de l’avenue Guynemer ».
Selon Mme X, cet article relève d’une confusion entre publicité et information. Elle explique qu’elle « [était] présente à la réunion » et qu’elle ne retrouve pas dans l’article l’écho des débats et des questions du public, et ce écrit-elle, alors que « les arguments repris dans l’article sont ceux d’un prospectus largement distribué au cours de la réunion par le personnel de la mairie ».
Recevabilité
Le règlement intérieur du CDJM prévoit que les saisines ne peuvent être anonymes (article 1.5). Il a pu vérifier l’identité de la requérante, qui a également été communiquée à Nice-Matin dans le courrier l’informant de cette saisine (lire ci-dessous). À sa demande, le CDJM a cependant accepté d’anonymiser sa saisine, en application de l’article 7.4 de son règlement intérieur.
Règles déontologiques concernées
Les textes déontologiques auxquels le CDJM se réfère précisent les obligations du journaliste.
À propos du respect de la distinction entre publicité et information :
- Il doit « refuser et combattre, comme contraire à son éthique professionnelle, toute confusion entre journalisme et communication », selon la Charte d’éthique professionnelle des journalistes français (1918-1938-2011).
- Il ne doit jamais « confondre le métier de journaliste avec celui du publicitaire ou du propagandiste » et « n’accepter aucune consigne, directe ou indirecte, des annonceurs », selon la Déclaration des droits et devoirs des journalistes (Munich, 1971, devoir no 9).
- Il doit « éviter toute confusion entre son activité et celle de publicitaire ou de propagandiste », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 13).
Réponse du média mis en cause
Le 28 octobre 2024, le CDJM a adressé à M. Denis Carreaux, directeur des rédactions du groupe Nice-Matin, un courriel l’informant de cette saisine et l’invitant à faire connaître ses observations, comme le prévoit le règlement du CDJM, dans un délai de quinze jours.
À la date du 11 mars 2025, aucune réponse n’est parvenue au CDJM.
Analyse du CDJM
➔ L’article en cause décrit la tenue d’une réunion publique relative à des travaux d’urbanisme de la ville de Beausoleil (Alpes-Maritimes). Il est court (un peu moins de 670 signes) :
« Une soixantaine de riverains ont participé à la réunion publique consacrée aux travaux de l’avenue Guynemer. Le projet prévoit la livraison de 1,490 km de trottoirs avec un élargissement côté mer à 1,5 m de largeur utile, et l’utilisation de matériaux de qualité. Des aménagements pour l’accessibilité PMR (barrière, ralentisseurs) et des infrastructures comme des emplacements pour deux-roues, une station de recharge électrique et de vélos sont prévus. Huit caméras de vidéo protection, des radars pédagogiques compléteront ce dispositif. Il est également prévu un relais pickup de La Poste pour les retraits de colis et un site de compostage sur le parking Gaudeix. »
Une photo de la réunion illustre l’article, légendée « De nombreux riverains sont venus écouter le maire, Gérard Spinelli, sur les travaux qui vont refaçonner l’avenue Guynemer (Photo DR) ». Elle est prise depuis les rangs des participants, et montre le maire assis à une table aux côtés d’autres intervenants.
Sur le grief de confusion entre publicité et information
➔ Mme X s’interroge sur le fait de savoir si l’article en cause « était ou n’était pas un publi-reportage ». Elle affirme avoir assisté à cette réunion au cours de laquelle, écrit-elle, « les habitants ont exprimé leur mécontentement et leurs inquiétudes au sujet de la sécurité des piétons et l’absence de commerce. Une question a été posée sur le financement des travaux du boulevard Guynemer : l’administration des Domaines de la Principauté de Monaco aurait financé une partie des travaux pour plusieurs millions d’euros pour améliorer la mobilité douce or cela n’entre pas dans ses compétences, telles qu’elles sont définies par le gouvernement princier. La question était : quelle contrepartie reçoit la Principauté en échange du financement des travaux ? Le maire de Beausoleil, présent à la réunion, s’est emporté. » Elle s’étonne que « cela n’apparaisse pas dans l’article », dit ne pas avoir « remarqué la présence de journalistes » et estime que « les arguments repris dans l’article sont ceux d’un prospectus largement distribué au cours de la réunion par le personnel de la mairie ».
➔ Le CDJM constate que l’article est descriptif et factuel. Le titre, le contenu, le visuel n’intègrent aucun qualificatif, aucun commentaire, aucune évaluation. Une grande partie du descriptif des travaux (lire ci-dessus) provient effectivement d’un prospectus distribué sur place, que la requérante a communiqué, à sa demande, au CDJM.
Mais Nice-Martin en reprend des éléments purement factuels, ce qui ne peut être assimilé à une publicité. Les informations ne sont pas dans le même ordre que le document promotionnel. Les qualificatifs et la mise en valeur promotionnelle des travaux ne sont pas cités : ainsi, le document met en scène la refonte des trottoirs – « des trottoirs plus larges, pour pouvoir se croiser, se saluer, discuter », « une mobilité facilitée en famille, entre amis ou en poussette » –, quand l’article se contente de reprendre les données techniques du prospectus, comme dans ce passage : « Le projet prévoit 1,490 km de trottoirs avec un élargissement côté mer à 1,5 m de largeur utile […] »
Enfin, une information qui ne figure pas dans la plaquette municipale est ajoutée, la création d’« un relais pickup de La Poste pour les retraits de colis et [d’un] site de compostage sur le parking Gaudeix ». Ces précisions ont pu être entendues par un journaliste ou un correspondant local de presse de Nice-Matin présent à la réunion d’information, ou être le fruit d’une enquête complémentaire. Dans tous les cas, cela va au-delà de la simple reprise d’un prospectus. Que des informations y figurent n’interdit pas de les reprendre, en les attribuant à la municipalité – ce qui est le cas puisque l’article indique, via la légende de son illustration, que les riverains étaient venus nombreux écouter le maire, « sur les travaux qui vont refaçonner l’avenue Guynemer ».
Le grief n’est pas fondé.
➔ Mme X s’interroge sur la présence ou non d’un membre de la rédaction de Nice-Matin lors de la réunion publique et l’absence de signature de l’article. Le CDJM regrette que l’absence d’un retour de Nice-Matin à son courriel ne permette pas, notamment, d’apporter une réponse sur le premier point. Sur le second point, il rappelle que l’absence de signature est une pratique traditionnelle pour un « filet », genre informatif qui s’apparente à la brève mais s’en distingue parce que doté d’un titre et éventuellement d’une photo, et que l’absence de signature ne signifie pas absence de reporter ou de correspondant local de presse sur le terrain.
La requérante s’indigne enfin que l’article n’évoque ni les aspects sécurité et commerces, ni l’hypothèse d’une « contrepartie » que pourrait recevoir la Principauté de Monaco, ni la réaction du maire à cette question d’un participant. On peut le regretter, mais le fait que le rédacteur n’ait évoqué ni les réactions des personnes présentes ni celles du maire (si elles ont eu lieu), ni le contexte politico-financier de ces travaux, est un choix qui relève de la liberté éditoriale de Nice-Matin.
Conclusion
Le CDJM, réuni le 18 mars 2025, en séance plénière estime que l’obligation déontologique d’éviter toute confusion entre publicité et information n’a pas été enfreinte par Nice-Matin.
La saisine est déclarée non fondée.
Cet avis a été adopté par consensus.