Avis sur la saisine n° 24-004

Adopté en réunion plénière du 14 mai 2024 (version PDF)

Description de la saisine

Le 8 janvier 2024, M. Joseph Garnier a saisi le CDJM à propos du contenu de l’article « Jordan Bardella : la stratégie TikTok » publié la veille dans le quotidien Le Parisien et le même jour sur son site sous le titre « La stratégie TikTok de Jordan Bardella : “C’est un vrai outil d’influence” ».

M. Garnier considère que dans l’infographie intégrée à ces textes, qui « présente les dix politiques les plus suivis sur TikTok, des personnes qui devraient s’y trouver n’y sont pas, selon les critères mêmes de l’article ». Il joint à sa demande une capture d’écran de l’infographie titrée « TikTok / Qui est le plus suivi » reprise sur la version en ligne de l’article. Selon lui, « pour une raison inconnue, quatre députés de La France insoumise ont été exclus du classement au profit d’une surreprésentation de l’extrême droite, alors que les données (le nombre d’abonnés) ne vont pas dans ce sens ».

Règles déontologiques concernées

Les textes déontologiques auxquels le CDJM se réfère précisent les obligations du journaliste.

  • Il « tient l’esprit critique, la véracité, l’exactitude, l’intégrité, l’équité, l’impartialité, pour les piliers de l’action journalistique ; tient l’accusation sans preuve, l’intention de nuire, l’altération des documents, la déformation des faits, le détournement d’images, le mensonge, la manipulation, la censure et l’autocensure, la non-vérification des faits, pour les plus graves dérives professionnelles », selon la Charte d’éthique professionnelle des journalistes français (1918-1938-2011).
  • Il doit « respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître », selon la Déclaration des droits et devoirs des journalistes (Munich, 1971, devoir no 1).
  • Il doit « respecter les faits et le droit que le public a de les connaître », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 1).
  • Il « ne rapportera que des faits dont [il] connaît l’origine, ne supprimera pas d’informations essentielles et ne falsifiera pas de documents. [Il] sera prudent dans l’utilisation des propos et documents publiés sur les médias sociaux », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 3).
  • Il « considérera comme fautes professionnelles graves le plagiat, la distorsion des faits, la calomnie, la médisance, la diffamation, les accusations sans fondement », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 10).

Réponse du média mis en cause

Le 22 janvier 2024, le CDJM a adressé à M. Nicolas Charbonneau, directeur des rédactions du Parisien et d’Aujourd’hui en France, avec copie à M. Quentin Laurent, journaliste, un courrier les informant de cette saisine et les invitant à faire connaître leurs observations, comme le prévoit le règlement du CDJM, dans un délai de quinze jours.

À la date du 14 mai 2024, aucune réponse n’est parvenue au CDJM.

Analyse du CDJM

➔ L’article du Parisien en cause, titré dans la version papier du journal « Jordan Bardella : la stratégie TikTok » et sur le web « La stratégie TikTok de Jordan Bardella : “C’est un vrai outil d’influence” », est accompagné d’une infographie intitulée « Qui est le plus suivi ? » (version papier) et « Tik Tok / Qui est le plus suivi ? » (version en ligne).

Cette infographie, un graphique en barres horizontales, recense le nombre d’abonnés des comptes TikTok d’hommes et de femmes politiques français en les plaçant de façon décroissante. Dans la version web, l’infographie prend même la forme d’un classement, avec une numérotation de un à huit. L’infographie est sourcée « TikTok – Le Parisien » pour la version papier et simplement « Le Parisien » pour la version web.

➔ Le CDJM constate tout d’abord que ce classement n’est pas un élément communiqué par TikTok ou disponible auprès d’une autre source. Il apparaît donc comme le fruit d’un travail de recherche effectué par Le Parisien sur cette plateforme. Le CDJM observe également qu’un certain nombre de personnes ont mis en doute la validité de ce classement dès sa publication, en particulier sur le réseau social X (anciennement Twitter). Ce qui a eu pour effet d’entraîner l’ajout d’une « note de la communauté » [dispositif prévu par X pour signaler un contenu potentiellement trompeur, ndlr] sous le post du compte officiel du Parisien reproduisant l’infographie.

D’après le requérant et d’après les internautes, il manque au moins trois députés de La France insoumise dans le classement du Parisien des huit personnalités politiques les plus suivies, M. Louis Boyard, Mme Mathilde Panot et M. Antoine Léaument. Vérifications faites par le CDJM (fin février), ces trois députés avaient alors un nombre de « followers » supérieur à celui attribué à plusieurs des personnalités que Le Parisien cite (825 000 pour M. Louis Boyard, 819 000 pour Mme Mathilde Panot, 461 000 pour M. Antoine Léaument).

La numérotation des personnalités dans le classement présenté (dans sa version web) et le titre qui l’introduit – « TikTok / Qui est le plus suivi ? » – suggère, en l’absence d’une légende indiquant les critères de choix des personnalités citées, un classement exhaustif des personnalités politiques françaises dans lequel ces trois députés (au moins) devraient figurer.

Conclusion

Le CDJM, réuni le 14 mai 2024 en séance plénière, estime que Le Parisien n’a pas respecté l’obligation déontologique d’exactitude et de respect de la véracité.

La saisine est déclarée fondée.

Cet avis a été adopté par consensus.

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