Adopté en réunion plénière du 9 avril 2024 (version PDF)
Description de la saisine
Le 27 décembre 2023, M. Nicolas Popy a saisi le CDJM à propos d’un article publié sur le site de Franceinfo le même jour et titré : « Autour de Sébastien Cauet, une ambiance sexiste pendant trente ans, à la radio comme hors antenne ». Le requérant estime qu’une citation de propos tenus par l’animateur M. Sébastien Cauet en 2017 « est tronquée » et que cela « donne un sens contraire à la réalité ». Selon lui isolée, cette citation – « J’ai appelé [l’animatrice] Cécile [de Ménibus] et je lui ai dit d’arrêter son cirque […]. Je lui ai dit d’arrêter de ressortir ce truc à chaque fois » – induirait que M. Cauet « [voulait] cacher [l’]agression » de Cécile de Ménibus lors d’une émission en 2006 par l’acteur pornographique italien M. Rocco Siffredi, « alors que [Sébastien Cauet] dit le contraire dans la suite de l’interview ». M. Popy reproche au site de n’avoir respecté ni l’exactitude ni la véracité.
Règles déontologiques concernées
- Il « tient l’esprit critique, la véracité, l’exactitude, l’intégrité, l’équité, l’impartialité, pour les piliers de l’action journalistique ; tient l’accusation sans preuve, l’intention de nuire, l’altération des documents, la déformation des faits, le détournement d’images, le mensonge, la manipulation, la censure et l’autocensure, la non-vérification des faits, pour les plus graves dérives professionnelles », selon la Charte d’éthique professionnelle des journalistes français (1918-1938-2011).
- Il doit « respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître », selon la Déclaration des droits et devoirs des journalistes (Munich, 1971, devoir no 1).
- Il doit « respecter les faits et le droit que le public a de les connaître », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 1).
- Il doit « publier seulement les informations dont l’origine est connue ou les accompagner, si c’est nécessaire, des réserves qui s’imposent », selon la Déclaration des droits et devoirs des journalistes (Munich, 1971, devoir no 3).
- Il défend « en tout temps, les principes de liberté dans la collecte et la publication honnêtes des informations, ainsi que le droit à un commentaire et à une critique équitables » et veille « à distinguer clairement l’information du commentaire et de la critique », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 2).
- Il « ne rapportera que des faits dont [il] connaît l’origine, ne supprimera pas d’informations essentielles et ne falsifiera pas de documents. [Il] sera prudent dans l’utilisation des propos et documents publiés sur les médias sociaux », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 3).
- Il « considérera comme fautes professionnelles graves le plagiat, la distorsion des faits, la calomnie, la médisance, la diffamation, les accusations sans fondement », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 10).
Réponse du média mis en cause
Le 19 janvier 2024, le CDJM a adressé à Mme Célia Meriguet, directrice de Franceinfo édition numérique, avec copie à Mmes Clara Lainé et Juliette Campion, journalistes, un courrier les informant de cette saisine et les invitant à faire connaître leurs observations, comme le prévoit le règlement du CDJM.
Le 7 février 2024, Mme Meriguet a répondu par courriel que Franceinfo contestait avoir commis une quelconque faute déontologique. « La citation visée par le courrier de saisine est extraite d’une interview qui a été donnée par Sébastien Cauet à Pure Médias et n’a pas été, selon elle, dénaturée. Elle est bien utilisée dans le sens que Sébastien Cauet lui a donné dans son interview, à savoir qu’il souhaitait que Cécile de Ménibus ne parle plus de cette histoire qui s’était déroulée plusieurs années auparavant. »
« En outre, précise Mme Meriguet, la journaliste a pris la précaution de donner ses sources au lecteur afin qu’il puisse contextualiser la citation s’il le souhaite et a ainsi fait précéder cette dernière d’un lien hypertexte, nommé “son commentaire”, qui permet au lecteur, en un clic, d’accéder à un article intitulé “L’animateur Cauet demande à Cécile de Ménibus, agressée par Rocco Siffredi en 2006, d’arrêter son cirque”, publié le 23 novembre 2017 sur le site de Franceinfo. » Cet article relate l’affaire « Cécile de Ménibus/Rocco Siffredi » de manière chronologique : « Il y a onze ans, l’acteur pornographique italien avait simulé une relation sexuelle avec Cécile de Ménibus sur le plateau d’une émission de télé diffusée sur TF1. Selon l’animatrice, il l’avait également forcée à l’embrasser dans les coulisses. »
Enfin, « dans le troisième paragraphe [de l’article de 2017, ndr], poursuit Mme Meriguet, la citation visée par le courrier de saisine est elle-même précédée d’un lien hypertexte, nommé “Pure Médias”, permettant au lecteur, en un clic, d’accéder à l’interview complète de Sébastien Cauet par Pure Médias, laquelle est intégrée dans un article intitulé “Cauet dans #QHM : J’ai dit à Cécile de Ménibus d’arrêter son cirque sur Rocco Siffredi”, publié le 22 novembre 2017 sur le site de Pure Médias ».
Cet article « retrace également les faits de l’agression subie par Cécile de Ménibus et mentionne donc, dans son intégralité, la citation visée par le courrier de saisine », explique-t-elle. « Ainsi, les journalistes de France Télévisions ont bien respecté l’exactitude et de la véracité des propos en cause. »
Analyse du CDJM
➔ L’article en cause du site de Franceinfo est présenté comme une enquête aboutissant à la conclusion qu’une ambiance sexiste a accompagné, à la radio et hors antenne, pendant les trente ans de carrière de l’animateur vedette de NRJ M. Sébastien Cauet, dont le média rappelle qu’il est « visé par quatre plaintes pour viols et agressions sexuelles » – des accusations que l’intéressé conteste, ayant annoncé sa volonté de porter plainte pour « dénonciation calomnieuse » et « extorsion de fonds ».
L’article débute en narrant une séquence de l’émission « CaueTivi », en 2006, au cours de laquelle, indiquent les autrices, « l’animatrice Cécile de Ménibus est agressée par l’acteur de films X Rocco Siffredi, qui la saisit et mime un acte sexuel, sous les yeux du présentateur, Sébastien Cauet, hilare ». Est ensuite rappelé, au deuxième paragraphe, qu’en 2017, « Sébastien Cauet [avait] été invité à réagir [à cette séquence], lors d’une interview pour le site Pure Médias. Son commentaire : “J’ai appelé Cécile et je lui ai dit d’arrêter son cirque (…) Je lui ai dit d’arrêter de ressortir ce truc à chaque fois.” Six ans plus tard, sur BFM TV, dimanche 10 décembre, poursuit l’article, son ton a changé. Il a jugé que Rocco Siffredi avait eu “une attitude de porc”. »
Ce commentaire est accompagné d’un lien renvoyant à une page de Franceinfo de 2017 intitulé : « L’animateur Cauet demande à Cécile de Ménibus, agressée par Rocco Siffredi en 2006, “d’arrêter son cirque” ». Cet article reprend une partie des propos tenus par M. Cauet dans une interview pour le site Pure Médias. Dans la vidéo de cet entretien, intégrée dans la partie supérieure de la page (à 1 min 25 s du début), M. Cauet tempère ses propos à l’encontre de Mme de Ménibus : « Non, je ne lui ai pas dit “Faut pas ressortir ça” parce qu’elle ressort ce qu’elle veut, les gens sont grands, et si Cécile a envie d’en parler, elle en parle, chacun à son passé, chacun a… Je lui ai juste dit, arrêtons de… systématiquement quand tu es sur un plateau télé de… [son bras fait un mouvement circulaire répétitif, ndlr] parce que voilà… parce que c’est… parce que ça sert à tout le monde, regardez, vous, vous en reparlez… ».
Sur le grief de non respect de l’exactitude et de la véracité
➔ M. Nicolas Popy estime que, dans le deuxième paragraphe de l’article, la réaction de M. Sébastien Cauet relative à la séquence impliquant Mme Cécile de Ménibus et M. Rocco Siffredi « est tronquée et donne un sens contraire à la réalité ». Il constate que cette citation – « J’ai appelé Cécile et je lui ai dit d’arrêter son cirque (…). Je lui ai dit d’arrêter de ressortir ce truc à chaque fois » – est tirée d’une interview du site Pure Médias disponible en ligne. Et que, isolée, elle induirait, selon le requérant, que M. Cauet « [voulait] cacher [l’] agression » subie par l’animatrice, « alors qu’il dit le contraire dans la suite de l’interview ».
Le requérant affirme que cette citation est abusivement tronquée, puisque qu’après cette phrase, le propos de l’animateur se poursuit et lui permet de préciser que « si Cécile veut en parler elle en parle », puis d’exprimer « le décalage entre cette séquence […] avec un acteur porno et la réalité des femmes et la réalité des agressions qu’elles subissent ». La réalité de la position de M. Sébastien Cauet sur le sujet des violences faites aux femmes aurait ainsi été sciemment déformée.
➔ Le CDJM observe, en premier lieu, que la citation incriminée figurait déjà dans le précédent article de France Télévisions, publié le 23 novembre 2017 pour faire la relation de l’entretien de la veille donné à Pure Médias, et que la première partie de cette citation – « J’ai appelé Cécile et lui ai dit d’arrêter son cirque » – était même intégrée dans le titre. Au demeurant, la réalité de ces propos n’est pas contestée. Il considère, en deuxième lieu, qu’en ne citant pas la position générale exprimée par M. Cauet dans sa formulation complète de 2017, les autrices de l’article ne sont pas allées au-delà de l’exercice de leur droit d’apprécier le caractère significatif d’une citation dès lors, d’une part, qu’en reprenant la citation de 2017, l’article propose un lien hypertexte qui permet au lecteur d’accéder directement à l’article de Franceinfo de 2017 (et de prendre ainsi connaissance du résumé de l’entretien de M. Cauet à Pure Médias) et, d’autre part, qu’une offre de réplique, pour l’article de 2023, a été faite à M. Cauet, qui l’a refusée. L’article fait expressément état du refus de l’animateur de répondre aux questions de Franceinfo et mentionne la déclaration d’un de ses avocats qui souligne, par ailleurs, qu’il est « très dangereux de faire un continuum entre des extraits d’émissions et les accusations portées contre lui ».
Dès lors, le CDJM considère que le choix de la citation incriminée, dans le cadre général de l’article dans lequel elle s’insère, n’est pas constitutif d’une inexactitude ni d’une déformation de la réalité, ni d’une atteinte à la véracité.
Conclusion
Le CDJM, réuni le 9 avril 2024 en séance plénière, estime que le site Franceinfo n’a pas enfreint la règle déontologique d’exactitude et de respect de la véracité.
La saisine est déclarée non fondée.
Cet avis a été adopté par consensus.