Avis sur la saisine n° 23-046

Adopté en réunion plénière du 12 septembre 2023 (version PDF)

Description de la saisine

Le 14 juin 2023, Mme Elodie Cerqueira a saisi le CDJM à propos de deux articles publiés le 31 mai 2023 sur le site de la radio France Bleu Orléans. Le premier, publié à 8 h 19 sous le titre « Catherine Leroy-Brûlet, dentiste à Orléans elle prend sa retraite sans avoir trouvé de repreneur », met en ligne l’interview audio de la docteure Catherine Leroy-Brûlet, réalisée le jour même en direct sur l’antenne de France Bleu Orléans. Le second, publié à 10 h 48 sous le titre « À Orléans, près de 6.000 patients sans solution après le départ en retraite de leur dentiste », est consacré à la situation créée par le départ en retraite de cette dentiste.

Mme Elodie Cerqueira, journaliste pigiste à Orléans et dans sa région, formule le grief de reprise d’une information exclusive sans mention du média à l’origine de cette information. Elle estime que les articles de France Bleu sont inspirés par celui qu’elle a publié sur le site du quotidien Le Parisien le 22 mai 2023 à propos d’une « information de terrain très spécifique » qu’elle affirme avoir révélée (la fermeture d’un cabinet dentaire qui menace de laisser 6 000 patients sans soignant). Elle considère donc que « [ses] confrères auraient dû a minima citer Le Parisien ».

Règles déontologiques concernées

Les textes déontologiques auxquels le CDJM se réfère précisent les obligations du journaliste :

  • Il « cite les confrères dont il utilise le travail, ne commet aucun plagiat », selon la Charte d’éthique professionnelle des journalistes (SNJ, 1918/1938/2011).
  • Il doit « s’interdire le plagiat, la calomnie, la diffamation, les accusations sans fondement ainsi que de recevoir un quelconque avantage en raison de la publication ou de la suppression d’une information » selon le devoir n°8 de la Déclaration des Droits et Devoirs des journalistes (Munich, 1971).
  • Il « considérera comme fautes professionnelles graves le plagiat, la distorsion des faits, la calomnie, la médisance, la diffamation, les accusations sans fondement », selon l’article 10 de la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019).
  • Il « fera preuve de confraternité et de solidarité à l’égard de ses consœurs et de ses confrères, sans renoncer pour la cause à sa liberté d’investigation, d’information, de critique, de commentaire, de satire et de choix éditorial » selon l’article 12 de la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019).

Proposition de médiation et réponse du média

En application de l’article 4 de son règlement intérieur, le bureau du CDJM a considéré le 14 juin 2023 que cette saisine pouvait faire l’objet d’une proposition de médiation. Après avoir recueilli l’accord oral de Mme Carqueira pour cette médiation, le CDJM s’est adressé par courriel à M. Philippe Magnier, directeur de France Bleu Orléans, avec copies à M. Julien Pearce, rédacteur en chef, et à Mme Lydie Lahaix, journaliste.

Le CDJM y présente le grief de Mme Elodie Cerqueira à propos d’une « information de terrain très spécifique » qu’elle affirme avoir révélée, et indique avoir recueilli son accord pour cette médiation proposée « dans le souci commun d’un respect attentif des règles déontologiques, et particulièrement de celle qui pose qu’un journaliste “cite les confrères dont il utilise le travail” et qui figure dans la Charte d’éthique professionnelle des journalistes français à laquelle se réfère le CDJM et qui est, par ailleurs, annexée à l’Accord collectif pour les journalistes de Radio France du 5 juin 2015 ».

Si « vous acceptez également notre démarche », concluait le CDJM, « nous transmettrons à la requérante votre accord et votre proposition d’ajout et/ou de modification des articles concernés. Sans retour de votre part dans un délai de 15 jours, cette saisine suivra la procédure d’analyse du CDJM en vue de la publication d’un avis ».

À la date du 12 septembre 2023, aucune réponse n’est parvenue au CDJM.

Analyse du CDJM

➔ L’article de Mme Elodie Cerqueira paru dans Le Parisien le 22 mai 2023 indique que la dentiste Catherine Leroy-Brûlet, installée « dans le recherché quartier de Saint-Marceau au sud d’Orléans », fermera son cabinet le 30 juin. Il est indiqué que la praticienne « désespère de trouver un repreneur pour son cabinet » qui « après 40 ans d’activité compte près de 6 000 dossiers ». Autre conséquence de son départ en retraite : les trois salariées du cabinet seront licenciées et la docteure Leroy-Brûlet s’interroge sur l’avenir de son matériel. Mme Cerqueira écrit au CDJM que cette histoire est une « information exclusive qui n’avait fait l’objet d’aucune communication dans la presse ou les réseaux sociaux ».

L’interview diffusée par France Bleu Orléans dix jours plus tard est présentée ainsi par l’animateur de la matinale de cette radio : « Notre invitée ce matin est Catherine Leroy-Brûlet, dentiste à Orléans. Elle prend sa retraite et elle n’a malheureusement pas trouvé de repreneur. » Au cours de l’entretien, Mme Leroy-Brûlet évoque ses recherches d’un successeur notamment via « une annonce au Conseil de l’Ordre » et dit « sa colère et sa tristesse de laisser tant de monde sans soin ». Elle développe également son explication du manque de candidatures et décrit le désarroi de ses patients. Il est fait allusion par la journaliste qui conduit l’entretien aux témoignages de patients diffusés dans des éditions antérieures de la matinale de France Bleu Orléans du 31 mai 2023.

Quelques heures plus tard, l’article mis en ligne reprend les informations qu’apporte cette interview au style indirect ou sous forme de citations de Mme Leroy-Brûlet. Ni l’interview réalisée en direct ni les deux publications sur le site de France Bleu Orléans qui en découlent ne font référence au Parisien.

➔ L’article du Parisien apparaît comme le fruit d’un travail journalistique personnel de la requérante, qui traite au travers du cas de cette dentiste, un sujet de société et d’actualité, celui des déserts médicaux. À l’écoute de l’interview de la dentiste par France Bleu Orléans, on retrouve beaucoup d’éléments lus dans Le Parisien (nombre de patients, démarches entreprises pour trouver un successeur…). Cependant, cette interview sur France Bleu Orléans est également un réel travail journalistique : son format (5 min 40 s) permet un développement plus long que dans Le Parisien sur l’analyse des difficultés à trouver un repreneur pour un cabinet dentaire à Orléans et sur les conséquences pour les habitants de la fermeture du cabinet de la docteure Leroy-Brûlet. Ces éléments nourrissent l’article publié sur le site de France Bleu Orléans quelques heures plus tard.

➔ Le CDJM constate que reprendre des sujets et des informations publiées par des confrères sans l’indiquer est une habitude malheureusement de plus en plus courante dans les médias. Il rappelle que la bonne pratique déontologique et confraternelle est de citer les confrères qui sont source ou simplement inspiration d’un sujet, que ce soit lorsqu’un média installé reprend un sujet mis en lumière par un titre moins connu ou lorsqu’un média audiovisuel s’inspire de la presse écrite pour nourrir ses émissions d’information.

Dans le cas d’espèce, les recherches effectuées par le CDJM montrent que l’information concernant cette dentiste d’Orléans a été également évoquée sur le site Orange.fr qui a publié le 22 mai un article de l’agence 6Médias sur la situation du docteur Leroy-Brûlet. Ce dernier cite expressément, via un hyperlien, celui du Parisien.

Cependant, en dépit de nombreuses ressemblances, inévitables sur un même sujet, entre l’article publié par Le Parisien et les productions de France Bleu Orléans, il n’est pas possible d’affirmer avec certitude qu’elles sont plus que des coïncidences, ni que France Bleu Orléans n’aurait pas pu réaliser cette interview et ses déclinaisons sans le travail de la requérante.

Conclusion

Le CDJM réuni le 12 septembre 2023 en séance plénière estime que l’obligation déontologique de citer les confrères dont on utilise le travail n’a pas été enfreinte par France Bleu Orléans.

La saisine est déclarée non fondée.

Cette décision a été prise par consensus.

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