Avis sur la saisine n° 23-001

Adopté en réunion plénière du 14 février 2023 (version PDF)

Description de la saisine

Le 2 janvier 2023, Mme Allyson Kilbrai a saisi le CDJM à propos d’un article publié le 19 novembre 2022 par La Nouvelle République et titré « Saint-Branchs, une arme pour le policier municipal ». Elle joint à sa saisine une copie de l’article en cause, dont le contenu se retrouve dans un texte mis en ligne le 18 novembre 2022 sous le titre « Saint-Branchs, extension de la ZAC et armement du policier au conseil municipal ».

Mme Kilbrai formule les griefs de non-respect de l’exactitude et de la véracité. Elle compare le compte-rendu officiel du conseil municipal du 15 novembre de la commune de Saint-Branchs, rendu public par la mairie, avec l’article relatant cette réunion paru le 19 novembre dans La Nouvelle République. Elle conclut qu’à cinq reprises, l’article pèche par inexactitude ou omission : inexactitudes sur les surcoûts du projet de réhabilitation d’un gymnase, sur le nombre d’armes pour la police municipale dont l’achat est décidé par les élus, sur la compétence du maire en matière de développement d’une zone d’activité ; absences d’information sur la désignation d’une entreprise pour des travaux de voirie et la location d’un local par bail commercial.

Au-delà de l’article objet de cette saisine, Mme Kilbrai affirme que la publication par La Nouvelle République d’inexactitudes dans les comptes-rendus des réunions du conseil municipal de Saint-Branchs, volontaires ou non, serait « une situation récurrente », et affirme que les articles concernant les réunions du conseil de juillet et de septembre 2022 étaient entachés du même genre d’inexactitudes. Elle indique s’en être entretenue avec le correspondant local du journal, chargé de la rédaction de ces articles, et transmet au CDJM la copie de quelques échanges par courriel avec la rédaction de La Nouvelle République.

Recevabilité

Le règlement intérieur du CDJM précise dans son article 1.3 qu’un acte journalistique ne peut faire l’objet d’une saisine que dans un délai de trois mois à compter de sa date de parution, diffusion ou mise en ligne. Le CDJM a donc écarté dans son analyse les articles de La Nouvelle République de juillet et septembre, ainsi que les éléments les concernant évoqués par la requérante.

Règles déontologiques concernées

Les textes déontologiques auxquels le CDJM se réfère précisent les obligations du journaliste :

  • Il « tient l’esprit critique, la véracité, l’exactitude, l’intégrité, l’équité, l’impartialité, pour les piliers de l’action journalistique ; tient l’accusation sans preuve, l’intention de nuire, l’altération des documents, la déformation des faits, le détournement d’images, le mensonge, la manipulation, la censure et l’autocensure, la non-vérification des faits, pour les plus graves dérives professionnelles », selon la Charte d’éthique professionnelle des journalistes (SNJ, 1918/1938/2011).
  • Il doit « respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître », selon la Déclaration des droits et devoirs des journalistes (Munich, 1971, devoir no 1).
  • Il doit « respecter les faits et le droit que le public a de les connaître », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 1).
  • Il doit « publier seulement les informations dont l’origine est connue ou les accompagner, si c’est nécessaire, des réserves qui s’imposent » selon la Déclaration des droits et devoirs des journalistes (Munich, 1971, devoir no 3)
  • Il défend « en tout temps, les principes de liberté dans la collecte et la publication honnêtes des informations, ainsi que le droit à un commentaire et à une critique équitables » et veille « à distinguer clairement l’information du commentaire et de la critique », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 2).
  • Il « ne rapportera que des faits dont il/elle connaît l’origine, ne supprimera pas d’informations essentielles et ne falsifiera pas de documents » et est « prudent dans l’utilisation des propos et documents publiés sur les médias sociaux », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 3).

Réponse du média mis en cause

Le 6 janvier 2023, le CDJM a adressé par voie électronique et postale à M. Christophe Hérigault, directeur de la rédaction de La Nouvelle République, avec copie à Mme Emmanuelle Pavillon, directrice de la rédaction départementale d’Indre-et-Loire, un courrier les informant de cette saisine et les invitant à faire connaître leurs observations dans un délai de quinze jours, comme le prévoit le règlement du CDJM.

À la date du 14 février 2023, aucune réponse n’est parvenue au CDJM.

Analyse du CDJM

➔ L’article en cause, publié par La Nouvelle République le 19 novembre 2022, n’est pas signé. Les informations qu’il publie ont été, selon toute vraisemblance, recueillies par le correspondant du journal dans la zone concernée. Le CDJM rappelle la définition légale du rôle des correspondants locaux de presse, qui « contribuent, selon le déroulement de l’actualité, à la collecte de toute information de proximité […]. Cette contribution consiste en l’apport d’informations soumises avant une éventuelle publication à la vérification ou à la mise en forme préalable par un journaliste professionnel », selon l’article 10 de la loi no 87-39 du 27 janvier 1987 portant diverses mesures d’ordre social, modifiée par la loi no 2015-1702 du 21 décembre 2015.

En l’espèce, la publication de l’article incriminé par La Nouvelle République constitue en soi un acte journalistique, soumis à la politique éditoriale du média. Il est l’objet de choix rédactionnels dictés par des considérations matérielles ou éditoriales. Ceux-ci varient selon les médias et les journalistes. Ils peuvent être discutés, contestés (on peut ne pas être d’accord avec eux) ; ils ne constituent pas pour autant une faute déontologique dans la mesure où ils n’occultent pas d’information essentielle à la compréhension des faits rapportés.

L’équipe rédactionnelle est donc fondée à mettre en valeur ou, au contraire, à négliger certains éléments de la délibération d’un conseil municipal, en fonction de ses propres critères d’appréciation. Dans cette mesure, l’article relatif à la réunion d’un conseil municipal n’en constitue pas un compte-rendu au sens strict du terme, comparable au compte-rendu administratif publié par la commune de Saint-Branchs sur son site internet.

➔ Mme Allyson Kilbrai reproche d’abord à La Nouvelle République d’avoir uniquement informé ses lecteurs d’un surcoût de 2 400 euros sur le projet de réhabilitation d’un gymnase. Elle écrit que « nulle part, il n’est question d’un autre avenant de 17 784 euros que le maire a pris seul en fonction des articles L2122-22 et L2122 du code général des communautés territoriales, qui apparaît sur le compte-rendu communal au point 01A-11-2022 et qui a été porté à la connaissance des élus lors de cette réunion. Il s’agit d’une information importante pour les administrés puisque le marché initial de 31 056 euros est passé à 51 240 euros, soit une hausse de 65 % ». Le CDJM observe, à la lecture du compte-rendu officiel du conseil municipal, qu’il a été fait mention, dans les attendus qui précèdent la délibération, d’un premier avenant au contrat de restauration du gymnase en date du 13 octobre 2022. Ce premier dépassement n’est pas l’objet de la délibération du 15 novembre 2022, qui porte sur un nouveau surcoût de 2 400 euros. Certes, l’article n’évoque pas l’ensemble des surcoûts décidés pour cet équipement, mais il ne s’agit pas d’une erreur factuelle dans le compte-rendu journalistique des décisions arrêtées le 15 novembre 2022.

➔ Mme Kilbrai reproche à La Nouvelle République de ne pas rapporter la désignation d’une entreprise chargée de travaux de voirie. Le CDJM estime qu’en ne rapportant pas les délibérations du conseil municipal de façon exhaustive, La Nouvelle République fait un choix rédactionnel. Il en est de même pour le fait que l’article ne mentionne pas non plus une décision sur la location d’un local commercial.

➔ La requérante interroge également la façon dont l’article parle de l’achat d’armes pour la police municipale. « Pour l’armement de la police municipale, écrit-elle au CDJM, les commentaires du maire sont largement rapportés sur La Nouvelle République, mais il n’est pas mentionné que le maire a proposé l’acquisition d’armement pour deux policiers municipaux en prévision de l’embauche à venir d’un agent supplémentaire, mais que le conseil n’a accepté l’acquisition, dans l’immédiat, que pour le seul agent actuellement en place. »

Après avoir cité le maire soutenant la demande d’armement formulée par le policier municipal, La Nouvelle République écrit que « le conseil municipal se prononce pour l’acquisition d’un pistolet semi-automatique  9 mm, d’un aérosol 100 ml, d’un bâton de défense pour le brigadier-chef en poste. Il prévoit l’achat à terme d’un deuxième armement similaire pour le brigadier appelé à le seconder dès qu’il sera recruté ». Le CDJM considère que cette formulation n’est pas ambiguë, puisqu’il est indiqué que le conseil « prévoit l’achat à terme d’un deuxième armement similaire pour [un second policier] dès qu’il sera recruté », sans indiquer que la décision serait d’ores et déjà effective.

➔ Enfin, Mme Kilbrai critique la citation d’un propos du maire de la commune sur l’extension d’une zone d’activités. Elle estime que l’article « rend compte d’un long commentaire du maire sur la question comme si le maire avait un pouvoir de décision en la matière ». Le CDJM constate que l’article cite le maire rapportant d’une part le vœu d’entreprises de s’installer dans cette future ZAC, d’autre part ses échanges avec le président de la communauté de communes sur l’importance de ce projet pour Saint-Branchs. En aucun cas il n’est écrit ou laissé entendre que le maire de Saint-Branchs, par ailleurs membre du conseil communautaire et du bureau de la communauté de communes Touraine Vallée de l’Indre, serait seul décisionnaire.

Surtout, Mme Kilbrai affirme que le maire n’a pas tenu les propos rapportés par La Nouvelle République au cours de la réunion publique du conseil municipal à laquelle elle a assisté et dont elle a « fait un enregistrement audio de la séance ». Sans mettre en cause l’affirmation de la requérante, le CDJM estime qu’il n’est pas nécessaire de la vérifier. En effet, l’article de La Nouvelle République relatif à la réunion du conseil municipal cite le maire avec cette seule précision : « indique le maire ». Il aurait certes été judicieux de préciser à quel moment et dans quel contexte le maire a fourni ces explications. Toutefois, rien ne permet au lecteur de croire qu’elles ont été dispensées au cours de la réunion du conseil municipal du 15 novembre 2022.

Conclusion

Le CDJM réuni le 14 février 2023 en séance plénière estime que l’obligation déontologique d’exactitude et de véracité n’a pas été enfreinte par La Nouvelle République.

La saisine est déclarée non fondée.

Cette décision a été prise par consensus.

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