Avis sur la saisine n° 22-097

Adopté en réunion plénière du 14 février 2023 (version PDF)

Description de la saisine

Le 25 novembre 2022, M. Mathieu Hutin a saisi le CDJM à propos d’un article publié en ligne le 24 novembre 2022 par Le Dauphiné libéré et titré « Faverges-Seythenex. L’opposition dénonce les missions confiées à l’ancienne DGS », article publié également sous forme d’un encadré en page 10 de l’édition Annecy-Les Aravis-Romilly du Dauphiné libéré datée du 25 novembre 2022.

M. Hutin précise qu’il est journaliste à H2O, la radio du lac d’Annecy, qui a publié le 14 novembre 2022 sur son site un article consacré à une polémique sur le recrutement de l’ancienne directrice générale des services (DGS) de la ville de Faverges-Seythenex pour effectuer des missions au statut d’auto-entrepreneur.

Il formule à l’encontre du Dauphiné Libéré les griefs de non-citation d’un confrère dont le travail est utilisé, inexactitude et conflit d’intérêts. Il affirme que l’article en cause est « motivé par le travail d’H2O » et « aurait dû citer le travail réalisé par la rédaction d’H2O ou s’abstenir de publier sur le sujet ». Il considère que cet article du Dauphiné Libéré est inexact parce qu’il ne fait pas mention des « montants perçus par l’ancienne DGS de la commune et de l’intercommunalité [ni du] refus de communication du maire lors du précédent conseil ainsi que [d]es deux signalements à l’association Anticor ».

Le requérant met également en cause l’indépendance de l’auteure de l’article, dont il affirme qu’elle est « en couple avec un élu de la majorité » communale.

Recevabilité

L’affirmation de liens conjugaux entre l’auteure de l’article consacré au conseil municipal et un élu de ce conseil constitue une accusation de conflit d’intérêts qui n’est étayée par aucun élément. Le CDJM ne peut recevoir ce motif de saisine.

Les griefs de non-citation d’un confrère dont le travail est utilisé et d’inexactitude sont eux recevables.

Règles déontologiques concernées

Les textes déontologiques auxquels le CDJM se réfère précisent les obligations du journaliste :

  • Il « tient l’esprit critique, la véracité, l’exactitude, l’intégrité, l’équité, l’impartialité, pour les piliers de l’action journalistique ; tient l’accusation sans preuve, l’intention de nuire, l’altération des documents, la déformation des faits, le détournement d’images, le mensonge, la manipulation, la censure et l’autocensure, la non-vérification des faits, pour les plus graves dérives professionnelles », selon la Charte d’éthique professionnelle des journalistes (SNJ, 1918/1938/2011).
  • Il doit « respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître », selon la Déclaration des droits et devoirs des journalistes (Munich, 1971, devoir no 1).
  • Il doit « respecter les faits et le droit que le public a de les connaître », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 1).
  • Il doit «  publier seulement les informations dont l’origine est connue ou les accompagner, si c’est nécessaire, des réserves qui s’imposent » selon le devoir no 3 de la Déclaration des droits et devoirs des journalistes (Munich, 1971)
  • Il « ne rapportera que des faits dont il/elle connaît l’origine, ne supprimera pas d’informations essentielles et ne falsifiera pas de documents. Il/elle sera prudent dans l’utilisation des propos et documents publiés sur les médias sociaux », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 3).
  • Il « cite les confrères dont il utilise le travail, ne commet aucun plagiat », selon la Charte d’éthique professionnelle des journalistes (SNJ, 1918/1938/2011).

Réponse du média mis en cause

Le 2 décembre 2022, le CDJM a adressé à M. Guy Abonnenc, rédacteur en chef du Dauphiné Libéré, avec copies à M. Julien Estrangin, directeur des ​​éditions de la Savoie, de la Haute-Savoie et de l’Ain du Dauphiné Libéré, et à Mme Marité Martinet, journaliste, un courrier les informant de cette saisine et les invitant à faire connaître leurs observations comme le prévoit le règlement du CDJM.

À la date du 14 février 2023, aucune réponse n’est parvenue au CDJM.

Analyse du CDJM

➔ L’article en cause fait partie de la couverture par Le Dauphiné libéré de la réunion du conseil municipal du 21 novembre 2022 de la ville de Faverges-Sateynex. Deux textes ont été publiés ensemble à 17 h 47 le 24 novembre sur le site du quotidien, puis le 25 novembre dans l’édition Annecy-Les Aravis-Romilly. L’article principal, qui souligne « le copieux menu composé de 39 points à l’ordre du jour » du conseil municipal, mentionne quelques-uns de ces points et porte un titre qui concerne l’un seulement d’entre eux : « Une voie va être créée pour accéder à la forêt communale ».

Il est accompagné d’un encadré « hors texte » portant le titre « L’opposition dénonce les missions confiées à l’ancienne DGS ». C’est cet encadré qui fait l’objet de la requête. Il est consacré à la réponse du maire de Faverges-Sateynex à l’interpellation d’élus de la minorité sur l’embauche comme consultante d’une ancienne employée de la mairie et du montant des factures présentées.

➔ M. Mathieu Hutin indique dans sa saisine que le 14 novembre 2022, il a publié « un travail important d’investigation » sur ce dossier, révélant le montant des factures présentées à la commune et à la communauté de communes concernée. Il estime que « l’article du Dauphiné Libéré aurait dû citer le travail réalisé par la rédaction d’H2O ou s’abstenir de publier sur le sujet ».

Le CDJM observe que la signataire de l’article du Dauphiné Libéré se contente de faire état du thème de la question posée par un élu et de la réponse faite par le maire. Le fait que la radio H2O ait auparavant publié, sur cette question polémique, un plus long article détaillant l’affaire ne saurait conférer le caractère de plagiat à tout article postérieur sur le même sujet. L’article du Dauphiné libéré ne reprend aucune des formulations de l’article de H2O ni ne cite les chiffres produits par cette radio. En outre, le conseil municipal dont le Dauphiné libéré fait état est postérieur d’une semaine à l’article de H2O. Le quotidien propose à ses lecteurs un compte-rendu sélectif et un encadré sur un incident de séance sans prétendre aucunement reprendre à son compte l’enquête antérieure de la radio.

Rien ne permet d’affirmer que cet encadré ait été « motivé par le travail d’H2O », comme l’affirme le requérant – qui va jusqu’à affirmer que « l’article du Dauphiné libéré aurait dû citer le travail réalisé par la rédaction d’H2O ou s’abstenir de publier sur le sujet ».

Le CDJM considère que Le Dauphiné libéré n’a donc fait qu’exercer son devoir d’informer dans le cadre de ses choix éditoriaux, sans qu’un plagiat soit aucunement constitué ni qu’il y ait manquement à la règle de citation des confrères, l’article ne portant pas sur le fond du dossier traité par H2O mais sur l’échange au conseil municipal.

➔ M. Hutin fonde le grief de non-respect de l’inexactitude et de la véracité sur un traitement qu’il juge insuffisamment approfondi du sujet en affirmant que « l’exactitude et la véracité des faits ne peuvent être résumés en 939 signes » et que l’absence de mention de certains éléments apportés par l’enquête de H2O constituerait « une altération des faits et de la vérité dans le but d’orienter l’opinion, dans une certaine forme de désinformation ».

Le CDJM souligne que Le Dauphiné libéré a fait le choix rédactionnel d’un article sur l’incident en conseil municipal qui ne prétend pas constituer une enquête sur le sujet de la controverse. Il considère que le fait que le journaliste de H2O estime que le traitement du sujet par Le Dauphiné libéré est réducteur en regard du travail qu’il a lui-même effectué relève de sa libre appréciation – comme de celle des lecteurs. On ne saurait pour autant en déduire que ce traitement est déontologiquement fautif pour inexactitude.

Conclusion

Le CDJM réuni le 14 février 2023 en séance plénière estime que ni l’obligation déontologique d’exactitude et de véracité ni celle de plagiat et de refus de citation des confrères dont le travail serait repris n’ont été enfreintes.

La saisine est déclarée non-fondée.

Cette décision a été prise par consensus.

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