Avis sur la saisine n° 22-038

Adopté en réunion plénière du 13 septembre 2022 (version PDF)

Description de la saisine

Le 28 avril 2022, M. Émile Kowalski a saisi le CDJM à propos d’une séquence de l’émission « Les Matins de LCI », diffusée le 26 avril 2022 sur la chaîne LCI. M. Kowalski met en cause une intervention de M. Pascal Perri, éditorialiste, et formule le grief de non-respect de l’exactitude et de la véracité des faits.

Selon lui, affirmer comme le fait M. Perri que « Jean-Luc Mélenchon est “le député le plus mal élu de France”, du fait de la forte abstention dans la circonscription de Marseille où il a été élu en 2017 » est « factuellement faux ». Le requérant cite à l’appui de son affirmation un article du quotidien Libération, selon lequel « 127 députés ont été plus “mal élus” » que M. Mélenchon en 2017. Il déplore également que M. Perri n’ait été « aucunement contredit » et qu’« une des personnes présentes sur le plateau demande même à ce que cette “petite phrase” soit relayée sur les réseaux sociaux ».

Recevabilité de la saisine

Le CDJM s’est interrogé sur la nature de l’intervention de M. Perri. Celui-ci est un universitaire qui intervient régulièrement sur l’antenne de LCI comme éditorialiste. Il est présenté sur le site du groupe TF1 comme ayant été « aux commandes de “Perri Scope”, une nouvelle émission de débat quotidien sur l’actualité économique » et aujourd’hui « chroniqueur dans les “Les Matins LCI” ». Il se présente sur son propre compte Twitter comme « éditorialiste économique sur LCI ».

Ces interventions quotidiennes dans un rendez-vous d’information sont des actes journalistiques qui appartiennent à la catégorie du journalisme d’opinion. Le CDJM estime qu’il n’y a pas dans le journalisme de moment hors déontologie, et qu’il peut donc être saisi d’une chronique qui relève de cet exercice.

Règles déontologiques concernées

Les textes déontologiques auxquels le CDJM se réfère précisent les obligations du journaliste :

  • Il « tient l’esprit critique, la véracité, l’exactitude, l’intégrité, l’équité, l’impartialité, pour les piliers de l’action journalistique ; tient l’accusation sans preuve, l’intention de nuire, l’altération des documents, la déformation des faits, le détournement d’images, le mensonge, la manipulation, la censure et l’autocensure, la non-vérification des faits, pour les plus graves dérives professionnelles », selon la Charte d’éthique professionnelle des journalistes (SNJ, 1918/1938/2011).
  • Il doit « respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître », selon la Déclaration des droits et devoirs des journalistes (Munich, 1971, devoir no 1).
  • Il doit « respecter les faits et le droit que le public a de les connaître », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 1).
  • Il « ne rapportera que des faits dont il/elle connaît l’origine, ne supprimera pas d’informations essentielles et ne falsifiera pas de documents. Il/elle sera prudent dans l’utilisation des propos et documents publiés sur les médias sociaux », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 3).

Réponse du média mis en cause

Le 5 mai 2022, le CDJM a adressé à M. Bastien Morassi, directeur de la rédaction de LCI, avec copie à M. Pascal Perri, un courrier les informant de cette saisine et les invitant à faire connaître leurs observations, comme le prévoit le règlement du CDJM, dans un délai de quinze jours. À la date du 13 septembre 2022, aucune réponse n’est parvenue au CDJM.

Analyse du CDJM

➔ La séquence des « Matins de LCI » du 26 avril 2022 mise en cause par le requérant fait suite à une intervention du journaliste M. Nicolas Domenach consacrée aux propos maladroits d’hommes politiques avec, comme « accroche », ceux du ministre M. Bruno Le Maire évoquant l’utilisation de l’article 49.3 de la Constitution pour faire adopter la future réforme des retraites et le rappel de cas similaires, comme la déclaration de M. Jean-Louis Borloo en 2007 à propos de la « TVA sociale ».

M. Pascal Perri, présent en plateau, enchaîne alors :

« Mais puisqu’on est dans l’ère de la caricature, et que M. Mélenchon est très bavard en ce moment : moi j’ai regardé… Vous savez qu’il nous dit : le président de la République est le plus mal élu de la Ve République. Eh bien moi je vais appeler maintenant Monsieur Mélenchon le député le plus mal élu de l’Assemblée nationale. Vous savez quel a été le taux d’abstention ? Sérieux… quand il a été élu député à Marseille ? 70 % ! Le député le plus mal élu de France ! »

Le présentateur Stefan Etcheverry intervient alors : « Et… à l’heure où on parle de Twitter. On pourrait la retweeter cette phrase d’ailleurs ? » (rire)

Pascal Perri : « Si tu veux. »

Stefan Etcheverry : « Appel à Jean-Luc Mélenchon, on va retweeter la phrase de Pascal Perri. »

Pascal Perri : « Si tu veux. »

➔ L’intervention de M. Perri est un commentaire sur un fait d’actualité : le taux d’abstention dans la 4e circonscription des Bouches-du-Rhône au second tour des élections législatives le 18 juin 2017. M. Perri affirme qu’il était de 70 %. Le site du ministère de l’Intérieur indique qu’il était de 64,22%.

➔ M. Perri affirme également que M. Mélenchon est « le député le plus mal élu de France ! » Les résultats communiqués par le ministère de l’Intérieur à l’issue de ce scrutin montrent que l’abstention a été supérieure au score de cette circonscription dans 46 autres circonscriptions (sur 577). Le record a été atteint dans la 8e circonscription des Français de l’étranger (avec un taux de 88,30 %). En métropole, le maximum est atteint dans la 7e circonscription des Bouches-du-Rhône (72,36 %).

➔ M. Perri exprimait dans l’intervention en cause un commentaire. Un commentaire est libre mais doit respecter la vérité des faits sur lesquels il s’appuie. Le CDJM constate que les faits cités par M. Perri dans sa critique de M. Mélenchon sont inexacts.

Conclusion

Le CDJM, réuni le 13 septembre en séance plénière, estime que l’obligation déontologique de respect de l’exactitude et de la véracité des faits n’a pas été respectée par LCI.

La saisine est déclarée fondée.

Cette décision a été prise par consensus.

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