Adopté en réunion plénière du 13 septembre 2022 (version PDF)
Description de la saisine
Le 9 avril 2022, M. Luc Arbib a saisi le CDJM à propos d’un article publié le 5 avril 2022 par LyonMag.com et titré « Ma région et moi : le plus gros budget de France pour défendre l’agriculture d’Auvergne-Rhône-Alpes ». Cet article est composé d’une interview vidéo longue de treize minutes de M. Jean-Pierre Taite, vice-président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes délégué à l’agriculture, et d’un article de 2 400 signes qui résume ses propos.
M. Arbib formulait le grief de conflit d’intérêts en arguant brièvement qu’il s’agit d’un « publi-reportage pour la région sans que cela soit précisé ». Le 13 avril, le CDJM lui a demandé par courriel de préciser en quoi il y avait, à son sens, conflit d’intérêts. Par retour, M. Arbib a précisé son grief en ces termes : « C’est surtout du publi-reportage ; cf “Ma Région & Moi, votre rendez-vous mensuel en partenariat avec la Région Auvergne-Rhône-Alpes : un vice-président de la collectivité et un acteur du territoire sont les invités d’Eric Limoncini” [mention qui figure sous le titre de l’article, ndlr] ». Il ajoute : « On donne la parole à un vice-président de la région pour qu’il fasse de la publicité pour leurs actions. »
Règles déontologiques concernées
Les textes déontologiques auxquels le CDJM se réfère précisent les obligations du journaliste :
- Il doit « refuser et combattre, comme contraire à son éthique professionnelle, toute confusion entre journalisme et communication », selon la Charte d’éthique professionnelle des journalistes (SNJ, 1918-1938-2011).
- Il doit « ne jamais confondre le métier de journaliste avec celui du publicitaire ou du propagandiste » et « n’accepter aucune consigne, directe ou indirecte, des annonceurs », selon la Déclaration des droits et devoirs des journalistes (Munich, 1971, devoir no 9).
- Il doit « éviter toute confusion entre son activité et celle de publicitaire ou de propagandiste », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, alinéa de l’article 13).
- « La responsabilité du/de la journaliste vis-à-vis du public prime sur toute autre responsabilité, notamment à l’égard de ses employeurs et des pouvoirs publics », et il doit « éviter – ou mettre fin à – toute situation pouvant le conduire à un conflit d’intérêts dans l’exercice de son métier », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 13).
Réponse du média mis en cause
Le 15 avril 2022, le CDJM a adressé à M. Alexis André, directeur de la publication de LyonMag.com, avec copie à M. Éric Limoncini, auteur de l’interview et producteur de l’émission, un courrier les informant de cette saisine et les invitant à faire connaître leurs observations, comme le prévoit le règlement du CDJM, dans un délai de quinze jours.
Le 19 avril 2022, M. André a répondu par courriel au CDJM : « Il ne s’agit pas d’un publi-reportage car tout le travail journalistique, de l’interview à la présentation en passant par la réalisation des émissions, est fait par les journalistes de LyonMag. La Région est un acteur majeur de notre agglomération et au-delà. Nous avons également proposé à la Ville et à la Métropole de Lyon de pouvoir réaliser avec eux ce travail journalistique de vulgarisation et d’explication concrète des actions des collectivités locales. »
Le 20 avril, le CDJM ayant demandé à M. André de bien vouloir préciser sa réponse, notamment sur le financement ces vidéos et le choix de leur contenu, celui-ci a expliqué que « les réalisations des vidéos ne sont pas financées par la Région Auvergne-Rhône-Alpes », expliquant que « la production est prise en charge par la News, société éditrice de LyonMag, faite dans notre studio TV, situé dans nos locaux du 40 quai Rambaud 69002, avec le matériel que nous utilisons pour nos autres contenus vidéos (interviews quotidiennes, débats) et avec notre réalisateur/technicien ».
Sur les contenus, M. André explique au CDJM que l’interview mensuelle d’un vice-président est « ax[ée] logiquement sur des politiques concrètes liées à sa délégation dans le souci d’informer le public sur le travail des collectivités locales » et que « la Région nous aide simplement dans la recherche du second interlocuteur qui va nous expliquer comment la politique régionale influe sur sa commune, son association, son établissement. À partir des suggestions de la Région, nous trouvons plus facilement l’interlocuteur le plus pertinent à nos yeux ».
Analyse du CDJM
➔ Le CDJM rappelle qu’est considérée communément comme publi-reportage une publicité déguisée en contenu journalistique. La déontologie demande aux journalistes de ne pas collaborer à des démarches publicitaires, donc à un publi-reportage. De son côté, le parrainage est l’association d’un tiers à la publication d’un article ou à la diffusion d’une émission d’information afin de bénéficier d’une visibilité, sans interférence de sa part avec le contenu de l’article ou de l’émission parrainée.
➔ La vidéo en cause, diffusée le 5 avril 2022, est l’interview d’un des vice-présidents de la région Auvergne-Rhône-Alpes qui présente l’action de l’exécutif régional dans le domaine agricole. Cet entretien a été enregistré sur le stand de la Région Auvergne-Rhône-Alpes au Salon international de l’agriculture à Paris. Il est complété par une interview dans le studio de LyonMag.com d’un représentant de la filière aquacole de la région. Le fond d’écran de cet entretien est une photo en vol d’une montgolfière siglée « Région Auvergne-Rhône-Alpes ».
➔ M. Alexis André, directeur de la publication de LyonMag.com, ayant élargi ses explications à l’ensemble des vidéos mises en ligne sous la rubrique « Ma région et moi », le CDJM a également élargi son analyse à cette rubrique. Son premier numéro, en février 2022, est présenté comme « un nouveau rendez-vous sur LyonMag.com tous les premiers mardi du mois avec la Région Auvergne-Rhônes-Alpes ». Ces vidéos sont annoncées par un jingle animé et musical de huit secondes où s’inscrit l’expression « La région Auvergne-Rhônes-Alpes vous présente Ma région et moi ». Elles sont pour l’essentiel une interview des vice-présidents de la région qui exposent l’action des secteurs dont ils ont la charge.
Le CDJM prend acte que ces vidéos ne donnent lieu, selon le directeur de la publication, ni à un versement financier ni à une aide matérielle de la Région Auvergne-Rhône-Alpes. Il s’agit d’une information du public sur le rôle et l’activité de la région, reposant sur des interviews des dirigeants de l’exécutif régional, a-t-il répondu. C’est un choix éditorial sur lequel le CDJM ne se prononce pas.
Dans la mesure où ces vidéos ne donnent pas lieu à une contrepartie de la part de la Région, le grief de conflit d’intérêts formulé par le requérant n’est pas constitué et on ne peut qualifier ces interviews vidéo de publi-reportages.
➔ Le CDJM rappelle cependant que les partenariats ne doivent pas conduire à confondre communication et information, ni dicter l’agenda éditorial du média (quel sujet traite-t-on ? avec quels interlocuteurs ? sous quelle forme ? quand ?). La maîtrise de cet agenda éditorial, comme la maîtrise des contenus, font partie intégrante de la déontologie du journalisme.
Conclusion
Le CDJM, réuni le 13 septembre 2022 en séance plénière, estime que les obligations déontologiques d’éviter un conflit d’intérêts et de séparer la publicité de l’éditorial ont été respectées
La saisine est déclarée non fondée.
Cette décision a été prise par consensus.