Avis sur la saisine n° 22-018

Adopté en réunion plénière du 12 avril 2022 (version PDF)

Description de la saisine

Le 13 février 2022, M. Romain Dargere a saisi le CDJM à propos d’un article publié le 11 février 2022 par Franceinfo et titré : « Le convoi de la liberté en route vers Paris ». M. Dargere formule le grief de non-respect de l’exactitude et de la véracité des faits. Il note que « dans l’introduction de l’article, il est stipulé que les manifestants du convoi de la liberté sont des antivax ». Il explique que « cette information erronée contribue à véhiculer une information décrédibilisant ce mouvement qui porte sur le pass vaccinal », et ajoute que « les opposants au pass vaccinal sont pour certains vaccinés et favorables au vaccin ».

Règles déontologiques concernées

Les textes déontologiques auxquels le CDJM se réfère précisent les obligations du journaliste :

  • Il « tient l’esprit critique, la véracité, l’exactitude, l’intégrité, l’équité, l’impartialité, pour les piliers de l’action journalistique ; tient l’accusation sans preuve, l’intention de nuire, l’altération des documents, la déformation des faits, le détournement d’images, le mensonge, la manipulation, la censure et l’autocensure, la non-vérification des faits, pour les plus graves dérives professionnelles », selon la Charte d’éthique professionnelle des journalistes (SNJ, 1918/1938/2011).
  • Il doit « respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître », selon le devoir no 1 de la Déclaration des droits et devoirs des journalistes (Munich, 1971).
  • Il doit « respecter les faits et le droit que le public a de les connaître », selon l’article 1 de la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019).
  • Il « rectifie toute information publiée qui se révèle inexacte », selon le devoir no 6 de la Déclaration des droits et devoirs des journalistes (Munich, 1971).
  • Il « s’efforcera par tous les moyens de rectifier de manière rapide, explicite, complète et visible toute erreur ou information publiée qui s’avère inexacte », selon l’article 6 de la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019).

Réponse du média mis en cause

Le 22 février 2022, le CDJM a adressé à M. Laurent Guimier, directeur de l’information de France Télévisions, un courriel l’informant de cette saisine et l’invitant à faire connaître ses observations, comme le prévoit le règlement du CDJM, dans un délai de quinze jours.

Le 14 mars, M. Guimier a adressé au CDJM un courrier dans lequel il explique que l’article en question est un « texte d’accompagnement d’une vidéo, en l’occurrence un reportage sur l’édition nationale du 19/20 de France 3 du 11 février 2022 » et que « le chapeau de ce court article qualifie effectivement les “convois de la liberté” d’“antivax”, ce qui est inexact ». M. Guimier précise que le texte en cause a été modifié « dès examen de votre saisine ».

M. Guimier, pour démontrer qu’il s’agit d’une « erreur ponctuelle », joint à sa réponse deux liens vers d’autres articles publié sur le site de Franceinfo, l’un qui est « un factuel sur les revendications des convois dits “de la liberté” », mis en ligne le 11 février 2022, l’autre publié le 9 février 2022 dans lequel il est expliqué le « “convoi de la liberté” n’est pas “le convoi des antivax” ».

Analyse du CDJM

L’article publié le 11 février 2022 à 22h47 sur le site de Franceinfo est le prolongement écrit d’un sujet diffusé sur les antennes de France Télévisions. Il se compose de la vidéo diffusée dans l’édition du soir de France 3 et d’un texte qui en reprend le contenu. Le chapeau (l’introduction) de cet écrit commence par la phrase : « Les manifestants antivax sont en route vers Paris. »

Cette affirmation est une erreur factuelle, comme l’ont constaté plusieurs reporters, par exemple dans les colonnes du Figaro et du Monde. « Le mouvement est assez hétéroclite. On retrouve des antivax, des antipasse, des “gilets jaunes”, des mélenchonistes ou des pro-Zemmour, aux revendications bien diverses », écrit ainsi Le Figaro le 10 février. De son côté, Le Monde note le 11 février que « les manifestants exigent le retrait du passe vaccinal et défendent des revendications portant sur le pouvoir d’achat ou le coût de l’énergie ». Les reporters de France Télévisions avaient fait la même constatation le 9 février 2022, comme l’indique le média dans sa réponse au CDJM. Réduire les cortèges dits « convois de la liberté » à une manifestation de personnes opposées à la vaccination, des « antivax », comme écrit le 11 février sur le site de France Télévisions, est bien une inexactitude. Saisir le CDJM était donc justifié.

C’est à la direction de l’information de France Télévisions de déterminer l’origine de cette inexactitude et de mettre en place les moyens d’éviter qu’elle se reproduise. Le CDJM ne peut que souligner la nécessité pour un média destiné au grand public de faire preuve de la plus grande vigilance sur l’exactitude des informations et sur les formulations employées, qui plus est sur un thème comme la pandémie de Covid-19, sujet qui a donné lieu à de nombreuses manipulations dans le débat public et sur les réseaux sociaux.

Le CDJM considère que le journalisme n’est pas une activité infaillible. L’impératif déontologique est donc de rectifier une inexactitude dès qu’elle est identifiée. En l’occurrence, alertée par le courrier du CDJM, lui-même saisi par M. Romain Dargere, France Télévisions a fait procéder rapidement à une modification de l’article litigieux. L’article en cause a été mis à jour le 28/02/2022 à 17h29. La première phrase de son chapeau a été réécrite ainsi : « Les manifestants anti pass sanitaire (que nous avions précédemment qualifiés par erreur d »antivax ») sont en route vers Paris ».

Cette formulation non seulement rétablit les faits, mais également explique la raison de cette correction et dit clairement quelle était l’erreur commise. Le lecteur est ainsi informé en toute transparence.

Conclusion

Le CDJM, réuni le 12 avril 2022 en séance plénière, estime que l’obligation déontologique d’exactitude n’a pas été respectée, mais que, comme le stipulent les textes de référence de la déontologie du journalisme, l’erreur commise a été rectifiée de manière rapide, explicite, complète et visible.

La saisine est déclarée non fondée.

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