Avis sur la saisine n° 21-088

Adopté en réunion plénière du 8 juin 2021 (version PDF)

Description de la saisine

Le 14 avril 2021, M. Grégory Joron, agissant au nom du syndicat Unité-SGP Police en qualité de secrétaire général délégué, a saisi le CDJM à propos d’un article publié le 10 avril 2021 par Le Point et titré « Corse : un major de police déféré devant la justice après sa garde à vue ».

M. Joron formule deux griefs : le non-respect de l’exactitude et de la véracité des faits et la non-rectification d’une erreur. Il note que l’article du Point fait « référence [à] l’appartenance du mis en cause à mon organisation syndicale […] allant même jusqu’à le qualifier d’être l’un de mes délégués », alors que, selon lui, le policier en cause est « membre et représentant d’une autre organisation syndicale, Alliance Police Nationale, et siège au sein de la commission administrative paritaire départementale au titre de cette organisation ». Il joint un hyperlien vers le site du syndicat Alliance qui l’indiquerait.

M. Joron ajoute que son organisation a saisi « le directeur de la publication [du Point] pour lui demander qu’un correctif soit apporté à cet article » et que son syndicat n’a « pas eu la moindre réponse à [son] courrier et à [sa] demande ». Il joint à sa saisine la copie d’une lettre adressée le 10 avril 2021 au directeur de la rédaction du Point, M. Sébastien Le Fol, dans laquelle il critique globalement le travail de l’auteur de l’article, M. Aziz Zemouri, et demande effectivement la publication d’un rectificatif sur l’appartenance syndicale du policier poursuivi.

Règles déontologiques concernées

Les textes déontologiques auxquels le CDJM se réfère précisent les obligations du journaliste :

D’une part :

  • Il « tient l’esprit critique, la véracité, l’exactitude, l’intégrité, l’équité, l’impartialité, pour les piliers de l’action journalistique ; tient l’accusation sans preuve, l’intention de nuire, l’altération des documents, la déformation des faits, le détournement d’images, le mensonge, la manipulation, la censure et l’autocensure, la non-vérification des faits, pour les plus graves dérives professionnelles », selon la Charte d’éthique professionnelle des journalistes (SNJ, 1918/1938/2011).
  • Il doit « respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître », selon la Déclaration des droits et devoirs des journalistes (Munich, 1971, devoir no 1).
  • Il doit « respecter les faits et le droit que le public a de les connaître », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 1).

D’autre part :

  • Il « fait en sorte de rectifier rapidement toute information diffusée qui se révèlerait inexacte », selon la Charte d’éthique professionnelle des journalistes (SNJ, 1918/1938/2011).
  • Il « rectifie toute information publiée qui se révèle inexacte », selon la Déclaration des droits et devoirs des journalistes (Munich, 1971, devoir no 6).
  • Il « s’efforcera par tous les moyens de rectifier de manière rapide, explicite, complète et visible toute erreur ou information publiée qui s’avère inexacte », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 6).

Réponse du média mis en cause

Par courrier du 25 avril 2021, le CDJM a adressé à M. Étienne Gernelle, directeur de la publication du Point, avec copie à M. Sébastien Le Fol, directeur de la rédaction et à M. Aziz Zemouri, journaliste auteur de l’article incriminé, un courrier l’informant de cette saisine et l’invitant à faire connaître ses observations, comme le prévoit le règlement du CDJM.

M. Aziz Zemouri a répondu au CDJM par courriel le 26 avril 2021. Il écrit que « personnellement, [il n’a] reçu aucune demande de rectification » et que dans un précédent article sur le policier en cause il a « également mentionné son appartenance syndicale à Unité-SGP, sans que ce syndicat ne s’en offusque ». Il précise que malgré ses démarches, il n’a jamais pu entrer en contact avec M. Joron depuis que celui-ci a pris des responsabilités à la direction du syndicat Unité-SGP Police.

Dans un second courriel au CDJM, qui l’avait sollicité pour des précisions, M. Zemouri précise qu’Yves Robert, le policier déféré devant la justice, «  était bien délégué syndical Unité-SGP à l’époque des faits où il a été mis en cause dans l’affaire du terroriste corse qu’il a couvert par un faux alibi ainsi que je l’ai raconté dans un premier article ».

M. Zemouri ajoute : « Pour le second article où il a de nouveau été mis en cause, cette fois dans une affaire de banditisme dans laquelle il est aujourd’hui mis en examen, il a changé de syndicat. Il est devenu membre du syndicat Alliance-Police nationale. » Il ajoute que « dès la parution du second article, si le SGP m’avait alerté pour me dire que Yves Robert n’était plus au SGP, j’aurais rectifié immédiatement. Son appartenance syndicale dans le premier papier m’a paru un élément important à mentionner. Dans le second article je ne faisais que reprendre ma première mention qui n’avait pas été démentie ».

Analyse du CDJM

Cette saisine porte sur l’appartenance d’une personne citée dans l’article du Point à une organisation syndicale, et sur la rectification d’une indication d’appartenance erronée.

Sur le premier point, le CDJM a constaté le 18 avril 2021 que M. Yves Robert, policier, figure sur la page « Vos équipes départementales / Corse » du syndicat Alliance Police comme représentant des majors de police à la Commission administrative paritaire interdépartementale (Capi) de Corse.

L’auteur de l’article objet de la saisine, M. Aziz Zemouri, affirme n’avoir jamais eu connaissance du passage de M. Robert d’un syndicat à un autre. Unité-SGP Police n’avait certes aucune raison d’informer un journaliste du départ d’un de ses membres pour Alliance Police Nationale. Cela n’exonère toutefois pas le journaliste de l’exigence de vérification étant donné qu’une affiliation syndicale mentionnée dans un article antérieur peut avoir évolué.

Sur le second grief, une erreur sur l’affiliation syndicale d’un policier soupçonné de renseigner des délinquants sur une opération de police les concernant est suffisamment importante pour appeler une rectification. Si le journaliste n’a pas été personnellement sollicité pour une rectification, Le Point l’a été. M. Aziz Zemouri indique au CDJM qu’il n’a pas eu connaissance de la demande de rectification adressée le 10 avril par Unité-SGP Police au directeur de la rédaction du Point. Il reconnaît que, alerté, il « aurai[t] rectifié immédiatement ». Le CDJM constate cependant qu’à la date du 8 juin 2021 un tel rectificatif n’a toujours pas été publié.

Conclusion

Le CDJM, réuni le 8 juin 2021 en séance plénière, estime que les obligations déontologiques d’exactitude et de rectification d’une erreur n’ont pas été respectées par Le Point.

La saisine est déclarée fondée.

Cette décision a été prise par la majorité des membres présents par 18 voix, contre 7 et 2 abstentions.

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