Adopté en réunion plénière du 8 décembre 2020 (version PDF)
Description de la saisine
Le 16 août 2020, le CDJM a été saisi par MM. Bastien Pérard, Romain Pommerolle et Nicolas Brun concernant le contenu d’une séquence diffusée le 14 août 2020 à 6 h 30 dans la matinale de BFM TV, également publiée en ligne au sein d’un article titré « Seine-Saint-Denis: une infirmière violemment frappée après avoir demandé à deux jeunes de porter un masque ». Les trois saisines ont été regroupées.
Les requérants motivent ainsi leurs saisines du CDJM : ils reprochent à la chaîne d’avoir diffusé une version partielle, voire partiale, du témoignage de Rachid Chabouni, agent de surveillance de la voie publique, décrivant l’agression d’une infirmière par deux individus dans un bus à Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis) alors qu’elle leur avait demandé de porter un masque. Un des requérants, monsieur Pommerolle, résume ainsi le grief : « La chaîne a volontairement coupé un passage du témoignage du témoin pour enlever les mots “de type africain” » pour qualifier les agresseurs.
Recevabilité
Cette saisine est recevable selon les critères définis aux articles 1 et 2 du règlement intérieur du CDJM.
Règles déontologiques concernées
Les textes déontologiques auxquels le CDJM se réfère précisent les obligations du journaliste :
- Il « tient l’esprit critique, la véracité, l’exactitude, l’intégrité, l’équité, l’impartialité, pour les piliers de l’action journalistique ; tient l’accusation sans preuve, l’intention de nuire, l’altération des documents, la déformation des faits, le détournement d’images, le mensonge, la manipulation, la censure et l’autocensure, la non-vérification des faits, pour les plus graves dérives professionnelles », selon la Charte d’éthique professionnelle des journalistes (SNJ, 1918/1938/2011).
- Il « exerce la plus grande vigilance avant de diffuser des informations d’où qu’elles viennent », selon la Charte d’éthique professionnelle des journalistes (SNJ, 1918/1938/2011).
- Il « publie seulement les informations dont l’origine est connue ou les accompagne, si c’est nécessaire, des réserves qui s’imposent ; ne supprime pas les informations essentielles et n’altère pas les textes et les documents », selon la Déclaration des droits et devoirs des journalistes (Munich, 1971, devoir n° 3).
- Il « veillera à ce que la diffusion d’une information ou d’une opinion ne contribue pas à nourrir la haine ou les préjugés et fera son possible pour éviter de faciliter la propagation de discriminations fondées sur l’origine géographique, raciale, sociale ou ethnique, le genre, les mœurs sexuelles, la langue, le handicap, la religion et les opinions politiques », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, devoir n° 9).
Réponse du média mis en cause
Par courrier du 21 octobre 2020, le CDJM a informé de cette saisine Mem Céline Pigalle, directrice de la rédaction de BFM TV, et l’a invitée à faire connaître ses observations comme le prévoit le règlement intérieur du CDJM. Aucune réponse n’est parvenue au CDJM.
Analyse du CDJM
Le sujet du reportage en cause porte sur les tensions provoquées par le port du masque. Plusieurs incidents du même ordre ont eu lieu dans les jours précédant sa diffusion, comme l’indique le présentateur de BFM TV, impliquant toutes sortes de personnes. Le témoignage diffusé explique clairement que l’attitude des agresseurs de l’infirmière est motivée par une remarque sur leur absence de masques. L’information essentielle est exposée complètement.
Si l’indication faisant notamment référence à la couleur de peau peut être parfois un élément d’information nécessaire au même titre que l’âge ou la profession, ce n’est pas le cas ici. Préciser que les agresseurs sont « de type africain » n’apporte aucun élément utile ni à l’exposé ni à la compréhension des faits.
La responsabilité du journaliste est d’informer le public tout en se conformant aux règles de déontologie de la profession.
En l’occurrence, enlever au montage la mention « de type africain » est une décision responsable qui contribue à ne pas stigmatiser un groupe ou une communauté, à ne pas nourrir la haine ou les préjugés. Ce ne peut pas être considéré comme une altération des faits ou comme une censure. Il n’y a pas atteinte à l’exactitude et à la véracité de l’information.
Conclusion
Réuni en séance plénière le 8 décembre 2020, le CDJM a considéré qu’en supprimant la mention « de type africain » ou celle sur la couleur de peau de délinquants présumés, BFM TV a réalisé et diffusé un reportage respectant les règles déontologiques en vigueur.
La saisine est déclarée non fondée.
Cette décision a été prise par consensus des membres présents.