Adopté en réunion plénière du 10 novembre 2020 (version PDF)
Description de la saisine
Le 22 mai 2020, le CDJM a été saisi par M. Jean-François Magister du contenu d’une séquence diffusée par BFM TV le 2 mai 2020 à 7 heures dans le journal du matin, également disponible sur le site de la chaîne sous le titre « Le coup de fil d’Emmanuel Macron à un boulanger lyonnais pour parler du confinement ».
L’auteur de la saisine motive sa saisine du CDJM par le résumé suivant : « Le président de la République appelle un boulanger pour parler du confinement. Cet artisan est présenté comme un boulanger lambda. Sauf que ce monsieur est ami de M. Collomb, maire de Lyon, et a figuré sur une liste électorale de ce dernier. C’est un partisan de LREM mais ce n’est pas précisé par le média. Pure propagande. »
M. Jean-François Magister dénonce un manquement à la vérification des sources par le journaliste, masquant ainsi une situation de conflit d’intérêts pour l’interlocuteur du président.
Règles déontologiques concernées
Les textes déontologiques auxquels le CDJM se réfère précisent les obligations du journaliste :
- Il « refuse et combat, comme contraire à son éthique professionnelle, toute confusion entre journalisme et communication », selon la Charte d’éthique professionnelle des journalistes (SNJ, 1918/1938/2011).
- Il doit « publier seulement des informations dont l’origine est connue ou les accompagner, si nécessaire, des réserves qui s’imposent », selon la Déclaration des droits et devoirs des journalistes (Munich, 1971, devoir n° 3).
- Il doit « ne jamais confondre le métier de journaliste et celui de propagandiste », selon la Déclaration des droits et devoirs des journalistes (Munich, 1971, devoir n° 9).
- Il « ne rapportera que des faits dont il/elle connaît l’origine, ne supprimera pas d’informations essentielles et ne falsifiera pas de documents », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 3).
Réponse du média mis en cause
Par courrier du 25 juin 2020, le CDJM a informé de cette saisine Mme Céline Pigalle, directrice de la rédaction de BFM TV, et l’a invitée à faire connaître ses observations, comme le prévoit le règlement intérieur du CDJM. Aucune réponse n’est parvenue au CDJM. Les journalistes concernés n’ont pas répondu lorsqu’ils ont pu être sollicités.
Analyse du CDJM
La saisine considérée concerne la règle de la vérification des sources, le respect d’informations essentielles et la confusion entre journalisme et propagande.
L’appel téléphonique du président de la République à Philippe-Marc Jocteur est présenté comme « inattendu », comme il est précisé dans le commentaire, et celui-ci est simplement présenté par son statut de boulanger de Lyon. Or, M. Jocteur est bien connu à Lyon puisqu’il a, par deux fois, figuré sur la liste des candidats aux élections municipales conduite par Gérard Collomb, ancien ministre et proche d’Emmanuel Macron. À ces occasions, M. Jocteur a fait l’objet de plusieurs articles, y compris dans des médias nationaux (par exemple un portrait dans le quotidien Les Échos, en 2003 et 2019.
En négligeant de se renseigner sur la personnalité de l’interlocuteur du président de la République, BFM TV n’a pas respecté le principe de déontologie concernant la vérification des sources. De surcroît, l’information présentée n’est pas replacée dans le contexte politique du moment : l’approche du second tour des élections municipales, auquel Gérard Collomb est candidat.
Ce reportage voulait illustrer l’angle « le président est proche des gens », alors qu’un travail sur les sources aurait plutôt conduit à l’angle « le boulanger est proche du président ».
BFM TV n’a pas rectifié le commentaire de cette vidéo disponible en ligne, qui n’est pas signée. En revanche, un autre article, titré « Lyon : un boulanger reçoit un appel d’Emmanuel Macron pour échanger sur le confinement », a été mis en ligne cinq heures plus tard, composé de la vidéo et d’un texte qui précise la proximité politique du boulanger avec Gérard Collomb et le parti présidentiel, et propose une transcription écrite de son témoignage. Cet article est signé. Les deux articles étaient toujours disponibles ce 10 novembre 2020, ce qui prête à confusion. Le CDJM regrette que l’article composé de la seule vidéo, qui omet une information essentielle, n’ait pas été retiré du site de BFM TV.
Conclusion
Le CDJM, réuni en séance plénière le 10 novembre 2020, estime que l’émission mise en cause a diffusé une information induisant le public en erreur sur la nature réelle d’un événement et s’est prêté volens nolens à une opération de communication de la présidence de la République. Le grief de manque de vérification des sources est établi.
En revanche, l’ajout de précisions sur le profil du témoin dans le second article correspond à la règle déontologique concernant la publication d’informations essentielles.
La saisine est déclarée partiellement fondée.
Cette décision a été prise à la majorité des membres présents.