Adopté en réunion plénière du 14 octobre 2025 (version PDF)
Description de la saisine
Le 12 mai 2025, M. Giuseppe Fiorentino a saisi le CDJM à propos d’un article publié le 2 mai 2025 par La Dépêche du Midi et titré « Blagnac. Collecte des déchets verts : le maire apporte ses précisions ».
Le requérant formule le grief de non-respect de l’exactitude et de la véracité et de non-rectification d’une erreur. Il reproche à l’auteur de l’article de n’avoir pas signalé un « mensonge » de l’élu, qui explique s’être abstenu lors d’un vote portant sur le changement de fréquence des collectes des déchets verts pour les habitants de la métropole de Toulouse. À l’appui de sa saisine, il porte à la connaissance du CDJM le procès-verbal (PV) de cette délibération, où le maire ne figure pas dans la liste de ceux qui se sont abstenus.
Règles déontologiques concernées
Les textes déontologiques auxquels le CDJM se réfère précisent les obligations du journaliste. À propos de l’exactitude et de la véracité :
- Il « tient l’esprit critique, la véracité, l’exactitude, l’intégrité, l’équité, l’impartialité, pour les piliers de l’action journalistique ; tient l’accusation sans preuve, l’intention de nuire, l’altération des documents, la déformation des faits, le détournement d’images, le mensonge, la manipulation, la censure et l’autocensure, la non-vérification des faits, pour les plus graves dérives professionnelles », selon la Charte d’éthique professionnelle des journalistes français (1918-1938-2011).
- Il doit « respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître la vérité », selon la Déclaration des droits et devoirs des journalistes (Munich, 1971, devoir no 1).
- Il doit « respecter les faits et le droit que le public a de les connaître », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 1).
- Il doit « publier seulement les informations dont l’origine est connue ou les accompagner, si c’est nécessaire, des réserves qui s’imposent », selon la Déclaration des droits et devoirs des journalistes (Munich, 1971, devoir no 3).
- Il « ne rapportera que des faits dont [il] connaît l’origine, ne supprimera pas d’informations essentielles et ne falsifiera pas de documents. [Il] sera prudent dans l’utilisation des propos et documents publiés sur les médias sociaux », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 3).
À propos de la rectification d’une erreur :
- Il « fait en sorte de rectifier rapidement toute information diffusée qui se révèlerait inexacte », selon la Charte d’éthique professionnelle des journalistes français (1918-1938-2011).
- Il « rectifie toute information publiée qui se révèle inexacte », selon la Déclaration des droits et devoirs des journalistes (Munich, 1971, devoir no 6).
- Il « s’efforcera par tous les moyens de rectifier de manière rapide, explicite, complète et visible toute erreur ou information publiée qui s’avère inexacte », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 6).
- Lire aussi la recommandation du CDJM « Rectification des erreurs : les bonnes pratiques ».
Réponse du média mis en cause
Le 23 mai 2025, le CDJM a adressé à M. Lionel Laparade, directeur de la rédaction de La Dépêche du Midi, un courrier l’informant de cette saisine et l’invitant à faire connaître ses observations, comme le prévoit le règlement du CDJM, dans un délai de quinze jours.
À la date du 14 octobre 2025, aucune réponse n’est parvenue au CDJM.
Analyse du CDJM
✦ Le 2 mai 2025, La Dépêche du Midi publie un court article reprenant le point de vue du maire de Blagnac, M. Joseph Carles. L’élu réagit à un reportage publié le 15 avril 2025 par le quotidien régional, qui revenait sur le mécontentement des habitants des zones pavillonnaires de la commune face à une modification de la collecte des déchets verts organisée par la métropole toulousaine. Alors qu’ils bénéficiaient jusqu’en 2024 d’une collecte hebdomadaire en porte-à-porte des déchets verts, les administrés regrettent de devoir se contenter de six collectes gratuites par an, auxquelles peuvent s’ajouter six autres, facturées 120 euros, depuis début 2025. Ils doivent se déplacer à une déchetterie pour l’éventuel surplus.
Après une courte introduction de 58 mots rappelant ce contexte, l’article objet de cette saisine est essentiellement formé d’un texte entre guillemets où le maire expose sa position (1 482 signes sur un total 2 082 soit 71 %). Le maire explique sa démarche face à la diminution des fréquences de collecte (recueil d’avis semblables chez d’autres maires, courrier au président de la métropole, proposition alternative), avant de faire part du mécontentement des habitants et de ses craintes face à une possible recrudescence des dépôts sauvages. Une phrase de conclusion de 34 mots rédigée par un journaliste met ces propos en perspective.
Sur le grief d’inexactitude
✦ S’appuyant sur le PV du conseil métropolitain, qu’il a fourni au CDJM, le requérant affirme que « le maire de Blagnac ment sciemment quant à sa position sur le sujet évoqué dans l’article ». Il ajoute : « Sachant la colère de ses concitoyens (et bientôt futurs électeurs) il prétend être contraire à la réforme, avoir écrit au président de la métropole (j’ai une copie du courrier) et fait même circuler par ses employés des fausses informations comme quoi il se serait abstenu lors du vote pour manifester son désaccord. Or en réalité il a voté en faveur, c’est consigné dans le PV de la réunion. »
Conscient que le CDJM n’est compétent que sur la déontologie journalistique (et non celle des élus), il considère que le journal « se doit d’un devoir d’investigation ; quand on lit leur article ils ne font qu’aider un édile menteur à asseoir encore plus sa supercherie ». Il ajoute qu’un journaliste « se doit de vérifier les propos tenus par l’interviewé, dans le cas précis un élu de la République. Et dénoncer tout mensonge. » Il regrette qu’ici, « on ne fait que conforter encore plus le manque de déontologie d’un maire menteur ».
✦ Le CDJM constate que l’article évoque le vote du maire lors de la délibération du conseil de la métropole le 20 juin 2024. Celui-ci, comme les membres de son groupe politique, se serait abstenu, mais le maire précise que « [son] propre vote n’a pas été comptabilisé ». Le CDJM a consulté le procès-verbal (PV) du conseil métropolitain du 20 juin 2024 fourni par le requérant. Il est effectivement question d’un vote à l’occasion de cette délibération concernant le sujet suivant : « Recyclage et valorisation – Collecte des résidus de jardin : adoption des tarifs de la collecte en porte-à-porte et de location de bennes à partir du 1er janvier 2025 » (page 94/135). M. Carles n’apparaît pas dans la liste des 58 abstentionnistes, même si ses réserves sont exprimées. Selon ce PV, la délibération a été adoptée par 74 voix.
✦ Les réserves de M. Carles sont officielles puisque mentionnées dans le PV. Il les a également exprimées dans un courrier au président de la métropole de Toulouse du 26 avril 2024, que le requérant a joint à sa saisine Le journaliste n’avait aucune raison de douter de l’affirmation de M. Carles que c’est par erreur que son abstention n’avait pas été prise en compte dans le PV, d’autant qu’avec ou sans sa voix, la délibération aurait été adoptée. Son opposition au projet est de notoriété publique et l’exacte comptabilisation de son vote n’aurait pas généré de résultat de délibération différent.
Le CDJM considère que l’article, très court, ne pouvait entrer dans ces détails, mais qu’il n’est pas contraire à la réalité, contrairement à ce qu’affirme le requérant.
Sur le grief de non-rectification d’une erreur
Le CDJM considère qu’il ne s’applique pas ici puisque l’erreur en question, si elle est avérée, n’aurait pas été commise par le journaliste auteur de l’article, mais par le maire de Blagnac dont le quotidien régional reprend les propos.
Conclusion
Le CDJM, réuni le 14 octobre 2025 en séance plénière, estime que l’article ne contrevient pas à l’obligation déontologique d’exactitude et de véracité et que le grief de non-rectification d’une erreur ne s’applique pas.
La saisine est déclarée non fondée.
Cet avis a été adopté par consensus.
