Adopté en réunion plénière du 22 juillet 2025 (version PDF)
Description de la saisine
Le 31 mai 2025, M. Jean-Philippe Ferier a saisi le CDJM à propos d’un article publié le 30 mai 2025 par le média en ligne Pleine Vie et titré « Cancer du pancréas : on sait enfin pourquoi le nombre de cas explose, les chercheurs sont formels ».
Le requérant formule le grief de non-respect de l’obligation déontologique d’exactitude et de véracité de l’information délivrée au public à propos du titre de l’article, qu’il estime contraire au contenu même de celui-ci.
Règles déontologiques concernées
Les textes déontologiques auxquels le CDJM se réfère précisent les obligations du journaliste.
À propos du respect de l’exactitude et de la véracité :
- Il « tient l’esprit critique, la véracité, l’exactitude, l’intégrité, l’équité, l’impartialité, pour les piliers de l’action journalistique ; tient l’accusation sans preuve, l’intention de nuire, l’altération des documents, la déformation des faits, le détournement d’images, le mensonge, la manipulation, la censure et l’autocensure, la non-vérification des faits, pour les plus graves dérives professionnelles », selon la Charte d’éthique professionnelle des journalistes français (1918-1938-2011).
- Il doit « respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître la vérité », selon la Déclaration des droits et devoirs des journalistes (Munich, 1971, devoir no 1).
- Il doit « respecter les faits et le droit que le public a de les connaître », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 1).
Réponse du média mis en cause
Le 6 juin 2025, le CDJM a adressé à M. Éric Pavon, rédacteur en chef de Pleine Vie, avec copie à Mme Amal Benaim, journaliste, un courrier les informant de cette saisine et les invitant à faire connaître leurs observations, comme le prévoit le règlement du CDJM, dans un délai de quinze jours.
À la date du 22 juillet 2025, aucune réponse à ce courrier n’est parvenue au CDJM.
Analyse du CDJM
➔ Signé de Mme Amal Benaim, cet article fait le constat d’une augmentation significative des malades du cancer du pancréas et s’attache à identifier les causes possibles de ce développement. Il inclut un lien vers un article du Parisien daté du 13 mars 2023, d’où sont tirées la plupart des informations utilisées.
L’article s’appuie également sur des données disponibles sur le site de la société de biotechnologie Acobiom. Il expose d’abord l’augmentation rapide du nombre de cancers du pancréas détectés en France, dont on ignore les causes, rappelle-t-il en citant Le Parisien. L’article insiste en affirmant que « face à la recrudescence de cette maladie mortelle, personne n’a d’éléments de réponses ». Il énumère ensuite quelques hypothèses de facteurs de risque identifiés par le corps médical, avant de confirmer, citant la même source, que « rien de clair n’a été identifié » dans ce domaine. L’article se conclut par l’affirmation du caractère quasi fatal de cette maladie. L’article inclut également un encadré reprenant quelques chiffres et statistiques évoqués dans le texte.
Sur le grief de non-respect de l’exactitude et de la véracité
➔ Pour le requérant, le titre de l’article et son contenu sont en totale contradiction. Ceci, estime-t-il, procède de « la tendance actuelle du putaclic », « une méthode horrible qu’il convient de combattre avec la plus grande fermeté ».
➔ L’article contient deux informations principales, au demeurant déjà anciennes puisqu’il s’appuie principalement l’article du Parisien cité :
- le nombre de cancers du pancréas détectés en France a fortement augmenté depuis la fin du siècle dernier ;
- quelques facteurs de risque (tabac, alcool, prédispositions génétiques, facteurs environnementaux…) sont envisagés, mais aucun n’est confirmé comme étant à l’origine de l’« explosion » du nombre de cancers.
Le titre de l’article est constitué de deux éléments : « on sait enfin pourquoi le nombre de cas explose » et : « les chercheurs sont formels ». La première partie du titre est, comme l’affirme le requérant, en totale contradiction avec le contenu de l’article, puisque non seulement celui-ci ne se risque pas à expliquer la ou les raisons de l’évolution du nombre de cancers du pancréas, mais qu’en outre il reprend deux citations de M. Antoine Hollebecque, médecin et spécialiste de la question, tirées de l’article de 2023 du Parisien, qui constate que… personne ne sait « pourquoi le nombre de cas explose » :
- « Le problème, c’est que personne ne connaît avec précision les causes de l’augmentation de ce cancer » ;
- « Il pourrait y avoir un impact de facteurs environnementaux précis, pollution, pesticides, additifs alimentaires… qui joueraient un rôle dans cette explosion des cas. Mais rien de clair n’a été identifié. »
L’auteure de l’article ne fait aucun commentaire sur ces deux affirmations, absolument contraires à la première partie du titre.
Le seconde partie du titre : « les chercheurs sont formels » pourrait être jugée plus ambiguë si l’on voulait considérer qu’elle puisse s’appliquer au seul fait de l’augmentation du nombre de cancers. Bien au contraire, cette affirmation : « les chercheurs sont formels » venant à la suite de l’affirmation initiale : « on sait enfin pourquoi le nombre de cas explose » et n’en n’étant séparée que par une virgule, le lecteur est incité à considérer que cette caution scientifique supposée s’applique à la connaissance des causes de la maladie.
L’affirmation catégorique de l’existence d’une connaissance scientifique, clairement démentie dans le corps de l’article, renforce la confusion du lecteur déjà induite par l’inexactitude de la première affirmation.
Conclusion
Le CDJM, réuni le 22 juillet 2025 en séance plénière, estime que l’obligation déontologique d’exactitude n’a pas été respectée.
La saisine est déclarée fondée.
Cet avis a été adopté par consensus.