Avis sur la saisine n° 25-043

Adopté en réunion plénière du 22 juillet 2025 (version PDF)

Description de la saisine

Le 5 mai 2025, M. Alexandre Renahy, agissant en tant que président de l’association « SOS Pays de l’Apance (défense de l’environnement aux alentours de Bourbonne-les-Bains) » a saisi le CDJM à propos d’un article publié le 29 avril 2025 par Le Journal de la Haute-Marne et titré « Sraddet : le Pays de Langres se rebiffe ». L’article a par ailleurs été publié dans l’édition imprimée du journal en date du 30 avril 2025.

Cet article est un compte-rendu d’une réunion des élus du Pôle d’équilibre territorial et rural (PETR) du Pays de Langres. Le président de SOS Pays de l’Apance estime que l’obligation déontologique d’exactitude et de véracité n’a pas été respectée dans un passage du texte, qui avance que « la prise en compte des enjeux climatiques semble peu pertinente dans des documents d’urbanisme ».

Règles déontologiques concernées

Les textes déontologiques auxquels le CDJM se réfère précisent les obligations du journaliste.

À propos du respect de l’exactitude et de la véracité :

  • Il « tient l’esprit critique, la véracité, l’exactitude, l’intégrité, l’équité, l’impartialité, pour les piliers de l’action journalistique ; tient l’accusation sans preuve, l’intention de nuire, l’altération des documents, la déformation des faits, le détournement d’images, le mensonge, la manipulation, la censure et l’autocensure, la non-vérification des faits, pour les plus graves dérives professionnelles », selon la Charte d’éthique professionnelle des journalistes français (1918-1938-2011).
  • Il doit « respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître la vérité », selon la Déclaration des droits et devoirs des journalistes (Munich, 1971, devoir no 1).
  • Il doit « respecter les faits et le droit que le public a de les connaître », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 1).
  • Il doit « publier seulement les informations dont l’origine est connue ou les accompagner, si c’est nécessaire, des réserves qui s’imposent », selon la Déclaration des droits et devoirs des journalistes (Munich, 1971, devoir no 3).
  • Il « ne rapportera que des faits dont [il] connaît l’origine, ne supprimera pas d’informations essentielles et ne falsifiera pas de documents. [Il] sera prudent dans l’utilisation des propos et documents publiés sur les médias sociaux », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 3).
  • Il « considérera comme fautes professionnelles graves le plagiat, la distorsion des faits, la calomnie, la médisance, la diffamation, les accusations sans fondement », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 10).

Réponse du média mis en cause

Le 9 mai 2025, en application de l’article 4 de son règlement intérieur, le CDJM a proposé sa médiation à l’association requérante et au Journal de la Haute-Marne. Cette proposition a été refusée par la rédactrice en chef du titre, qui a expliqué que le journaliste « n’a fait que rapporter les propos tenus par les élus ».

L’examen de la saisine a donc suivi son cours et, le 12 mai 2025, le CDJM a adressé à Mme Céline Clément, rédactrice en chef du Journal de la Haute-Marne, avec copie à M. Nicolas Corté, journaliste, un courriel les informant de cette saisine et les invitant à faire connaître leurs observations, comme le prévoit le règlement du CDJM, dans un délai de quinze jours.

À la date du 22 juillet 2025, aucune réponse à ce courrier n’est parvenue au CDJM.

Analyse du CDJM

➔ L’article en cause rend compte d’une réunion des élus du Pôle d’équilibre territorial et rural (PETR) du Pays de Langres, dans la région Grand Est, et de leurs réactions à la lecture des dispositions concernant l’artificialisation des sols présentées dans une nouvelle mouture du projet de Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet) de la région Grand Est. Le Pays de Langres n’y est pas inclus dans les territoires pouvant excéder de 20 % les surfaces artificialisables autorisées.

Trois élus sont cités dans l’article du Journal de la Haute Marne. Les propos des deux premiers sont rapportés entre guillemets. Ceux du troisième, M. Emmanuel Probert, le sont en partie au style indirect : « D’autres éléments dérangeants ont été recensés et synthétisés par Emmanuel Probert, qui gère notamment le Scot au sein du Pays de Langres, tels que la prise en compte des enjeux climatiques (qui semble peu pertinente dans des documents d’urbanisme), ou encore l’absence de toute mention du Parc national, qui a ses propres impératifs et schémas. “Ce dernier point est vraiment curieux et problématique”, a analysé Emmanuel Probert. »

La fin de l’article indique que les élus attendent des éclaircissements de la région Grand Est avant de se prononcer par vote sur le Sraddet.

Sur le grief de non-respect de l’exactitude et de la véracité

➔ Pour le président de l’association SOS Pays de l’Apance, « la formulation “la prise en compte des enjeux climatiques (qui semble- peu pertinente dans des documents d’urbanisme)” présente [cette] idée sans guillemets, sans contextualisation, sans distanciation critique ni mise en perspective contradictoire. L’auteur de l’article semble ainsi reprendre cette idée à son compte, ou du moins la rapporter comme une évidence, sans exercer la moindre vérification. »

M. Alexandre Renahy estime que « cette affirmation est factuellement fausse, juridiquement et scientifiquement infondée » et cite trois arguments à l’appui de ce grief :

  • « Le code de l’urbanisme (art. L101-2 et suivants) impose aux documents de planification de prendre en compte la lutte contre le changement climatique, la préservation des ressources et la réduction des émissions de gaz à effet de serre. »
  • « L’urbanisme influe directement sur les modes de transport, la consommation énergétique, l’imperméabilisation des sols, les risques climatiques (canicules, inondations), etc. »
  • « Les documents d’urbanisme sont, scientifiquement et au sens de la loi, l’un des principaux leviers d’action pour atteindre les objectifs climatiques définis par la France (Stratégie nationale bas carbone, plan climat, Zéro artificialisation nette). »

Le Journal de la Haute-Marne n’a pas répondu sur le fond de la saisine détaillé dans le courrier qui lui a été adressé le 12 mai 2025, mais sa rédactrice en chef, dans sa réponse négative à la proposition de médiation du CDJM, indiquait que le journaliste « Nicolas Corté [a rédigé] un compte-rendu d’une réunion du PETR de Langres dans lequel il n’a fait que rapporter les propos tenus par les élus de cette assemblée ».

➔ Le rôle de l’urbanisme dans les enjeux climatiques est établi scientifiquement et sa prise en compte dans les décisions d’urbanisme est une réalité juridique, comme le souligne le requérant.

Les critiques sur cette prise en compte des enjeux climatiques sont à l’évidence celles de l’élu M. Emmanuel Probert. Mais la restitution de ses propos par le journaliste entretient une confusion entre ce qui serait une citation et ce qui est une appréciation du rédacteur de l’article. Cette confusion est accentuée par le fait qu’une seule phrase de M. Probert (la dernière du paragraphe) est mise entre guillemets, ce qui laisse penser que les autres expressions ne sont pas de lui – notamment ce qui est placé entre parenthèses, qui peut être ainsi perçu comme un ajout personnel du rédacteur.

La présentation de cette phrase ne permet donc pas avec certitude d’en attribuer la paternité à l’élu. Il manque ou bien des guillemets ou bien une mention comme « selon lui » ou encore « dit-il », voire que le journaliste indique que cette assertion est inexacte.

L’expression litigieuse entre parenthèses devient pour le lecteur une affirmation validée par le journaliste. Une erreur d’écriture ou de ponctuation qui peut paraître minime a ainsi un impact et contribue à diffuser une information inexacte dans le public.

Conclusion

Le CDJM réuni le 22 juillet 2025 en séance plénière estime que l’obligation déontologique d’exactitude n’a pas été respectée.

La saisine est déclarée fondée.

Cet avis a été adopté par consensus.

close Soutenez le CDJM !