Avis sur la saisine n° 25-034

Adopté en réunion plénière du 8 juillet 2025 (version PDF)

Description de la saisine

Le 16 avril 2025, M. Samir Hakkar a saisi le CDJM à propos d’un article publié par La Provence le 11 avril 2025 dans son édition de Salon-de-Provence Pays Salonais, également disponible sur son site le 10 avril 2025 sous le titre : « Samir Hakkar condamné pour violences sur sa femme ».

Le requérant estime que le compte rendu du jugement d’un procès dans lequel il était mis en cause ne respecte pas l’obligation d’exactitude et de véracité. Il liste neuf passages qu’il considère inexacts.

Règles déontologiques concernées

Les textes déontologiques auxquels le CDJM se réfère précisent les obligations du journaliste.

À propos du respect de l’exactitude et de la véracité :

  • Il « tient l’esprit critique, la véracité, l’exactitude, l’intégrité, l’équité, l’impartialité, pour les piliers de l’action journalistique ; tient l’accusation sans preuve, l’intention de nuire, l’altération des documents, la déformation des faits, le détournement d’images, le mensonge, la manipulation, la censure et l’autocensure, la non-vérification des faits, pour les plus graves dérives professionnelles », selon la Charte d’éthique professionnelle des journalistes français (1918-1938-2011).
  • Il doit « publier seulement les informations dont l’origine est connue ou les accompagner, si c’est nécessaire, des réserves qui s’imposent », selon la Déclaration des droits et devoirs des journalistes (Munich, 1971, devoir no 3).
  • Il « ne rapportera que des faits dont [il] connaît l’origine, ne supprimera pas d’informations essentielles et ne falsifiera pas de documents. [Il] sera prudent dans l’utilisation des propos et documents publiés sur les médias sociaux », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 3).

Réponse du média mis en cause

Le 29 avril 2025, le CDJM a adressé à M. Olivier Biscaye, directeur de la rédaction de La Provence, avec copie à M. Nicolas Geronne, journaliste à La Provence, un courrier les informant de cette saisine et les invitant à faire connaître leurs observations, comme le prévoit le règlement du CDJM.

À la date du 8 juillet 2025, aucune réponse n’est parvenue au CDJM.

Analyse du CDJM

➔ Après avoir relaté dans un précédent article, le 2 avril 2025, l’audience au cours de laquelle comparaissait M. Samir Hakkar devant le tribunal correctionnel pour avoir menacé sa femme, La Provence donne, le 11 avril 2025, la décision du tribunal, en rappelant l’essentiel des faits en cause.

L’article, titré « Samir Hakkar condamné pour violences sur sa femme », rappelle dans son chapô (texte introductif) que « son épouse le poursuivait pour violences, piratage de ses réseaux sociaux, usurpation d’identité, dissimulation d’un tracker GPS dans son véhicule. Il n’a été condamné que pour la première infraction. »

M. Nicolas Geronne, le journaliste auteur de l’article, commence par rappeler précisément les différentes infractions qui ont été reprochées au requérant lors de l’audience du 1er avril 2025. Il évoque les échanges entendus alors, citant les accusations portées contre M. Hakkar et ses arguments en défense dans cinq paragraphes. Sous l’intertitre « 4 mois d’emprisonnement avec sursis », le dernier paragraphe rapporte la sentence rendue, introduite par une formule indiquant la source du journaliste : « Ce mercredi 9 avril, la sentence est tombée. Ce qui va suivre provient d’un courrier du greffe correctionnel dont la rédaction est en notre possession. Notons d’abord que “les faits de violence suivis d’incapacité n’excédant pas 8 jours ont été requalifiés en violence sans incapacité”. Élément qui a sans doute joué dans la balance au regard de la peine écopée : “Monsieur Hakkar a été condamné pour ces faits à 4 mois d’emprisonnement avec sursis, la dispense d’inscription au bulletin numéro de son casier judiciaire a été prononcée”. On y lit également que le conseiller municipal d’opposition “a été relaxé pour les autres infractions”. Ceci dit, il devra verser à son épouse “946 € pour le préjudice matériel et 300 € pour le préjudice moral.” »

Sur le grief d’inexactitude concernant l’usage du terme « sentence »

➔ Le requérant reproche l’utilisation « du terme “sentence” pour décrire le verdict [sic] rendu […]. Or, il est important de préciser que je n’ai pas été jugé aux assises, mais en correctionnelle. Par conséquent, il s’agit d’une condamnation et non d’une sentence ».

Selon le dictionnaire Larousse, la définition de « sentence » est la suivante : « Tout jugement (d’une autorité) à caractère décisif. Synonymes : arrêt, jugement, verdict ». Le terme, employé ici pour le jugement d’un tribunal correctionnel, est donc approprié.

Sur le grief d’inexactitude concernant la « nature des violences évoquées » et la « prise par le col »

➔ Concernant ce qu’il appelle la « nature des violences évoquées », le requérant considère que « l’article mentionne des violences physiques sans préciser qu’il s’agissait d’un coup porté dans une cloison et non directement sur Madame ». Il estime que « cette omission est susceptible d’induire en erreur sur la gravité des faits et doit être rectifiée pour refléter fidèlement les éléments de l’affaire ».

M. Hakkar estime par ailleurs que l’expression « prise par le col » évoque « une agression physique sans préciser qu’il s’agissait uniquement d’une prise par le col de la chemise. Cet acte, bien que regrettable, ne correspond pas à une violence grave telle que suggérée [dans l’article] ».

L’article du 11 avril 2025 ne mentionne pas le terme de « violences physiques » pointé par le requérant. Seule l’accroche de l’article du 2 avril, pour lequel le CDJM n’est pas saisi, le fait. Le terme « agression » ne figure dans aucun des deux articles. Aucun élément de l’article en cause ne permet d’attester le « coup porté dans une cloison » dont il est fait mention par le requérant. Son omission est un choix éditorial qui ne porte pas sur un élément essentiel à la compréhension de l’information, la décision du tribunal.

Quant à la « prise par le col », reconnue par le requérant, il s’agit en tout état de cause d’une violence physique : les termes employés ne sont donc pas erronés, ils décrivent le fait de prendre par le col d’un vêtement, non par le cou. La requalification de l’infraction en « sans incapacité », mentionnée dans le dernier paragraphe de l’article, atteste bien que la violence était légère. En outre, l’article rapporte bien d’une part les accusations portées par la plaignante et d’autre part la version du requérant, qui figurent toutes deux entre guillemets.

Sur le grief d’inexactitude concernant « les allégations de tromperie »

➔ Le requérant écrit : « L’article laisse sous-entendre que j’aurais trompé ma femme depuis des années. Or, il est crucial de préciser que c’est la présidente du tribunal qui a avancé cette affirmation, et non moi, mais je l’ai catégoriquement démentie. »

L’article rapporte, sous forme de citation, les propos de la présidente. Ils sont sourcés sans ambiguïté. Le requérant précise qu’il les a démentis. Si cet élément n’est pas mentionné dans l’article alors qu’il aurait pu apporter un complément utile, ne pas le rapporter est un choix du journaliste qui n’omet pas, en le faisant, un élément essentiel à la compréhension de l’information.

Sur le grief d’inexactitude concernant le titre de l’article « Samir Hakkar condamné pour violences sur sa femme »

 Le requérant déplore que le titre de l’article, « bien qu’il reflète le fait de ma condamnation, ne précise pas que cette condamnation a été rendue par un tribunal correctionnel, et non par une cour d’assises » et ne « mentionne pas la nature spécifique des violences, à savoir un coup porté dans une cloison et une prise par le col ». Pour M. Hakkar, « cette omission peut induire en erreur sur la gravité des faits et sur le cadre juridique de la condamnation ».

Le titre, qui doit se limiter à peu de mots, est exact et factuel. Le fait qu’il s’agisse d’un passage devant le tribunal correctionnel est indiqué dès la première phrase de l’article. Les faits sont ensuite mentionnés de manière équilibrée en citant chacune des parties.

Sur le grief d’inexactitude concernant un faux compte

➔ Le requérant évoque la mention d’« une usurpation d’identité liée à un “faux compte”. Or, il convient de préciser que ce compte appartient bien à Madame elle-même, qui a reconnu devant le tribunal qu’il s’agissait du sien. Cette clarification est cruciale pour éviter toute confusion ou interprétation erronée susceptible de nuire à ma réputation. »

La notion de « faux compte » ne figure pas dans l’article du 11 avril 2025. Dans celui du 2 avril, qui n’est pas l’objet de la saisine du CDJM par M. Hakkar, la version du requérant est prise en compte : il est précisé que « les doutes de la victime ne suffisent cependant pas pour rattacher ces derniers faits au prévenu ». Les précisions nécessaires sont apportées, sachant que le requérant reconnaît lui-même avoir changé le mot de passe pour supprimer le vrai compte.

Sur le grief d’inexactitude concernant un mouchard GPS

➔ Le requérant estime que « l’article insinue une dissimulation concernant un tracker GPS » alors, affirme-t-il, que « Madame était informée oralement et par email avec accusé de réception de son existence », ce que des « échanges de courriels » remis par son avocate à l’audience attesteraient.

L’article ne parle pas de dissimulation. C’est la notion de consentement qui est au centre de ce point du jugement. Le mail d’information est bien mentionné dans l’article, tout comme il est précisé qu’information ne vaut pas consentement de la personne à cette installation.

Sur le grief d’inexactitude concernant les données personnelles

➔ Le requérant précise que « contrairement à ce qui est suggéré dans l’article, il n’y a eu aucun vol ou piratage des données personnelles de Madame. Les captures d’écran mentionnées ont été transmises par notre fille et non obtenues par des moyens illégaux. En outre, mon avocat a remis en main propre à la présidente du tribunal les échanges SMS avec ma fille et les captures d’écran. »

Les termes « vol » ou « piratage » ne figurent pas dans l’article. Le journaliste évoque dans l’article objet de la saisine « la captation et l’usage des correspondances ». Cet article signale que « Samir Hakkar démentait fermement » ces infractions, tout en précisant que « la victime garantissait que [M. Hakkar] avait accès à ses comptes et connaissait tous ses mots de passe ». Il n’y a donc pas d’allégations erronées.

Sur le grief d’inexactitude concernant l’absence de précision de la requalification

➔ Selon le requérant, l’article omet de signaler que l’absence de certificat médical concernant son épouse a conduit lors de l’audience à une requalification des faits de « violences aggravées » en « violences simples ».

L’article rappelle bien l’absence de certificat médical et la requalification en violence sans incapacité. Il ne manque aucune éventuelle clarification. La relaxe est également mentionnée, et ce, dès l’accroche de l’article.

Conclusion

Le CDJM réuni le 8 juillet 2025 en séance plénière estime que l’obligation déontologique d’exactitude et de véracité a été respectée par La Provence dans l’ensemble des points soulevés par le requérant.

La saisine est déclarée non fondée.

Cet avis a été adopté par consensus.

close Soutenez le CDJM !