Adopté en réunion plénière du 10 juin 2025 (version PDF)
Description de la saisine
Le 25 février 2025, M. Nassim Bouchmal a saisi le CDJM à propos d’un article mis en ligne sur le site de RFI le 24 février 2025 sous le titre « Sahara occidental: la Mauritanie et le Maroc annoncent l’ouverture d’un nouveau poste frontière terrestre ».
M. Bouchmal met en cause pour inexactitude la légende de la photo qui illustre cet article. On y lit : « Vue de la clôture dans la zone d’Al-Mahbès, au Sahara occidental, qui sépare la zone contrôlée par le Front Polisario du Maroc. (Image d’illustration) AFP ». Il considère que cette formulation « attribue un contrôle effectif de la zone d’Al Mahbès au Front Polisario» alors que « la zone Mahbès est une localité administrée en totalité par le Maroc ».
Règles déontologiques concernées
Les textes déontologiques auxquels le CDJM se réfère précisent les obligations du journaliste.
À propos du respect de l’exactitude et de la véracité :
- Il « tient l’esprit critique, la véracité, l’exactitude, l’intégrité, l’équité, l’impartialité, pour les piliers de l’action journalistique ; tient l’accusation sans preuve, l’intention de nuire, l’altération des documents, la déformation des faits, le détournement d’images, le mensonge, la manipulation, la censure et l’autocensure, la non-vérification des faits, pour les plus graves dérives professionnelles », selon la Charte d’éthique professionnelle des journalistes français (1918-1938-2011).
- Il doit « respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître », selon la Déclaration des droits et devoirs des journalistes (Munich, 1971, devoir no 1).
- Il doit « respecter les faits et le droit que le public a de les connaître », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 1).
- Il doit « publier seulement les informations dont l’origine est connue ou les accompagner, si c’est nécessaire, des réserves qui s’imposent », selon la Déclaration des droits et devoirs des journalistes (Munich, 1971, devoir no 3).
- Il « ne rapportera que des faits dont [il] connaît l’origine, ne supprimera pas d’informations essentielles et ne falsifiera pas de documents. [Il] sera prudent dans l’utilisation des propos et documents publiés sur les médias sociaux », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 3).
- Il « considérera comme fautes professionnelles graves le plagiat, la distorsion des faits, la calomnie, la médisance, la diffamation, les accusations sans fondement », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 10).
Réponse du média mis en cause
Le 4 mars 2025, le CDJM a adressé à M. Jean-Marc Four, directeur de RFI, avec copies à Mme Mounia Daoudi, adjointe au directeur de RFI chargée de l’information Afrique, et à M. Christophe Champin, adjoint au directeur de RFI chargé de la direction numérique, un courriel les informant de cette saisine et les invitant à faire connaître leurs observations, comme le prévoit le règlement du CDJM.
Le 26 mars 2025, M. Jean-Marc Four a répondu au CDJM. Il précise notamment que pour « illustrer » l’article mis en ligne, « nous avons acheté une photo à l’AFP et nous avons simplement repris la légende proposée par cette agence […]. Si requête il doit y avoir devant le CDJM, elle doit à notre sens se faire auprès de l’AFP, pas auprès de nous ».
Analyse du CDJM
➔ La saisine porte exclusivement sur la légende de la photo qui accompagne l’article publié le 24 février 2025 sur le site de RFI sous le titre « Sahara occidental : la Mauritanie et le Maroc annoncent l’ouverture d’un nouveau poste frontière terrestre ». L’article s’appuie sur une circulaire du ministère de l’Intérieur mauritanien. Il souligne que « depuis trente ans et la fermeture des frontières avec l’Algérie, le Maroc n’avait plus de frontière terrestre ouverte vers l’Est » et indique que ce poste frontière « se situe à quelques centaines de kilomètres au sud de la frontière algérienne et des camps de Tindouf » où l’Algérie accueille depuis 1976 les réfugiés sahraouis.
La photographie présente une clôture de fils barbelés dans un paysage désertique. Sa légende est : « Vue de la clôture dans la zone d’Al-Mahbès, au Sahara occidental, qui sépare la zone contrôlée par le Front Polisario du Maroc. (Image d’illustration) AFP ».
➔ Selon le requérant, cette légende porterait atteinte à l’exactitude et la véracité de l’information parce qu’elle « attribue un contrôle effectif de la zone d’Al Mahbès au Front Polisario alors qu’aucune donnée de terrain ne semble corroborer ni étayer ce fait ».
Pour conforter son propos, il précise que « les données les plus récentes indiquent que la zone Mahbès est une localité administrée en totalité par le Maroc où des festivités sont organisées pour la Fête de la marche verte notamment ».
Le CDJM relève que la légende précise seulement que, quelque part dans cette vaste zone d’Al Mahbès, se trouve une clôture qui sépare les secteurs contrôlés par le Front Polisario d’une part, et le Maroc d’autre part. On ne peut en déduire qu’elle attribuerait « un contrôle effectif de la zone d’Al Mahbès au Front Polisario », comme le prétend l’auteur de la saisine.
La référence faite par le requérant au contrôle, par le Maroc, de la localité proprement dite d’Al Mahbès, qui compte environ 6 000 habitants, ne peut suffire à démontrer que ce contrôle s’étendrait à l’ensemble de la vaste zone désertique dont elle ne représente qu’une petite superficie. Or la clôture figurant sur la photographie et marquant la « frontière » avec la zone contrôlée par le Front Polisario se trouve à une distance indéterminée de la ville marocaine d’Al Mahbès.
➔ Le CDJM note toutefois que la reprise par RFI de la légende telle qu’elle avait été rédigée par l’AFP n’est que partielle : elle ne mentionne pas, à la différence de la légende initiale, la date de la prise de vue, le 3 février 2017, soit près de huit ans avant cette publication pour illustrer l’article de RFI. Il ne s’agit donc ni d’une photographie d’actualité, ni d’une image d’illustration proprement dite, mais bien d’une image d’archive qui aurait dû être présentée comme telle.
Conclusion
Le CDJM, réuni le 10 juin 2025 en séance plénière, estime que malgré l’absence de mention de la date de la photographie proposée et de son caractère d’image d’archive, la légende qui l’accompagne n’est pas constitutive d’une inexactitude au regard du contrôle des zones disputées du Sahara occidental.
La saisine est déclarée non fondée.
Cet avis a été adopté par consensus.