Avis sur la saisine n° 24-196

Adopté en réunion plénière du 13 mai 2025 (version PDF)

Description de la saisine

Le 27 novembre 2024, M. Alexandre Renahy a saisi le CDJM du contenu de l’article « Les veneurs réagissent après la pseudo agression de Pierre Rigaux » publié le 26 novembre 2024 sur le site du Chasseur français.

Il formule les griefs de non-respect de l’exactitude et la véracité, et d’atteinte à la dignité humaine. Selon lui, l’article relate à tort une agression de chasseurs par un militant écologiste, ce qui est « une inversion accusatoire malhonnête, faisant suite à l’agression physique (avérée et filmée) du militant écologiste ». Il estime en outre que la phrase visant le militant, « franchement ce sale gosse mériterait bien une paire de claques », est une atteinte à la dignité et qu’elle incite à la violence.

Règles déontologiques concernées

Les textes déontologiques auxquels le CDJM se réfère précisent les obligations du journaliste.

À propos du respect de l’exactitude et de la véracité :

  • Il « tient l’esprit critique, la véracité, l’exactitude, l’intégrité, l’équité, l’impartialité, pour les piliers de l’action journalistique ; tient l’accusation sans preuve, l’intention de nuire, l’altération des documents, la déformation des faits, le détournement d’images, le mensonge, la manipulation, la censure et l’autocensure, la non-vérification des faits, pour les plus graves dérives professionnelles », selon la Charte d’éthique professionnelle des journalistes français (1918-1938-2011).
  • Il doit « respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître », selon la Déclaration des droits et devoirs des journalistes (Munich, 1971, devoir no 1).
  • Il doit « respecter les faits et le droit que le public a de les connaître », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 1).
  • Il doit « publier seulement les informations dont l’origine est connue ou les accompagner, si c’est nécessaire, des réserves qui s’imposent », selon la Déclaration des droits et devoirs des journalistes (Munich, 1971, devoir no 3).
  • Il « ne rapportera que des faits dont [il] connaît l’origine, ne supprimera pas d’informations essentielles et ne falsifiera pas de documents. [Il] sera prudent dans l’utilisation des propos et documents publiés sur les médias sociaux », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 3).
  • Il « considérera comme fautes professionnelles graves le plagiat, la distorsion des faits, la calomnie, la médisance, la diffamation, les accusations sans fondement », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 10).

À propos du respect de la dignité humaine :

  • Il « respecte la dignité́ des personnes et la présomption d’innocence », selon la Charte d’éthique professionnelle des journalistes français (1918-1938-2011).
  • Il « respectera la dignité́ des personnes citées et/ou représentées », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 8).
  • voir également la Recommandation du CDJM sur le traitement des faits divers
  • Il veille « à ce que la diffusion d’une information ou d’une opinion ne contribue pas à nourrir la haine ou les préjugés » et fait son possible « pour éviter de faciliter la propagation de discriminations fondées sur l’origine géographique, raciale, sociale ou ethnique, le genre, les mœurs sexuelles, la langue, le handicap, la religion et les opinions politiques », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 9).

À propos de la diffusion de contenus pouvant nourrir la haine :

Réponse du média mis en cause

Le 6 décembre 2024, le CDJM a adressé à M. Tancrède de La Morinerie, directeur de la rédaction du Chasseur français avec copie à Mme Isabelle Leca, journaliste, un courriel les informant de cette saisine et les invitant à faire connaître leurs observations, comme le prévoit le règlement du CDJM, dans un délai de quinze jours

À la date du 13 mai 2025, aucune réponse n’est parvenue au CDJM.

Analyse du CDJM

➔ L’article du Chasseur français titré « Les veneurs réagissent après la pseudo agression de Pierre Rigaux » est pour les trois quarts la reprise d’un communiqué de la Société de Vènerie publié le 23 novembre, précédé d’un chapô (texte introductif) rédigé par la journaliste Mme Isabelle Leca. Ce communiqué revient avec ironie sur un incident entre un groupe de veneurs et M. Pierre Rigaux, militant anti-chasse, en décrivant la version des chasseurs.

Sa présentation, faite par Mme Isabelle Leca, est en ces termes :

« Non Pierre Rigaux ne sera pas le seul à avoir la parole, les veneurs s’expriment aussi sur le non-événement de ce week-end.

Pierre Rigaux agressé par des veneurs !!!! On connaît la chanson et la désinformation de ce pseudo expert naturaliste. Mais soyons honnête, les veneurs ont une fois encore fait preuve de la plus grande retenue alors qu’ils étaient une fois encore agressés.

Parce que franchement ce sale gosse mériterait bien une paire de claques. »

Sur le grief d’inexactitude

➔ La reprise d’un communiqué est un geste journalistique fréquent. Il importe que le texte repris soit identifié comme tel. C’est en l’espèce le cas, même si on peut regretter que la présentation typographique ne l’indique pas plus nettement. La citation de communiqué n’est donc pas entachée d’inexactitude. Le publier intégralement est un choix rédactionnel en cohérence avec la ligne éditoriale du Chasseur français.

Le CDJM note que la Société de Vènerie, en évoquant dans son communiqué M. Rigaux « aux prises avec trois veneurs » ne désigne pas d’agresseur. A l’inverse, Mme Leca affirme que les veneurs ont été « encore une fois agressés » par M. Rigaux. Cette affirmation, qui justifie sa présentation éditorialisée du communiqué, n’est étayée par aucun élément factuel. Si l’expression d’un point de vue est légitime, il est essentiel que les preuves citées à l’appui de l’opinion soient présentées avec précision et sans déformation. Le grief d’inexactitude est fondé.

Sur le grief d’atteinte à la dignité et d’incitation à la violence

➔ M. Renahy estime que la phrase « franchement ce sale gosse mériterait bien une paire de claques » est une atteinte à la dignité par des propos « qui incitent sans conteste à la violence contre M. Rigaux ».

Il n’y pas atteinte à la dignité de M. Rigaux, qui n’est ni décrit d’une façon dégradante ni montré dans une situation avilissante. L’expression « sale gosse » traduit un agacement devant quelqu’un jugé insupportable mais n’est pas attentatoire à la dignité de M. Rigaux.

L’affirmation de la journaliste auteure de l’article selon laquelle il « mériterait bien une paire de claques » est plus problématique. Elle peut être comprise pour une invitation à frapper M. Rigaux. Le Chasseur français a manqué de prudence en diffusant cette opinion qui peut « contribuer à nourrir la haine ou les préjugés » voire, comme l’écrit le requérant, inciter à la violence. Pour mémoire, la loi de 1881 rend complice d’un délit ou d’un crime le média qui aura « directement provoqué l’auteur ou les auteurs à commettre ladite action, si la provocation a été suivie d’effet ».

Conclusion

Le CDJM réuni le 13 mai 2025 en séance plénière estime que les obligations déontologiques d’exactitude et de véracité et de ne pas nourrir la haine n’ont pas été respectées par Le Chasseur français.

La saisine est déclarée fondée.

Cet avis a été adopté par consensus.

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