Adopté en réunion plénière du 12 décembre 2023 (version PDF)
Description de la saisine
Le 8 août 2023, M. X., qui se présente sur son compte X (anciennement Twitter) comme journaliste indépendant sous le pseudonyme Toufik-de-Planoise, a saisi le CDJM à propos d’un article publié par L’Est républicain le même jour et titré « Une personne transgenre et son ami agressés au centre-ville de Besançon ». En application de l’article 7.4 du règlement intérieur du CDJM et pour des raisons de sécurité, il a demandé à être désigné dans le présent avis sous son pseudonyme.
Le requérant formule le grief de plagiat et reproche à L’Est républicain d’avoir publié cette information sans citer son travail. Pour soutenir ce grief, qui concerne précisément la reprise d’une information sans mention de son origine, il déclare avoir révélé cette agression le 7 août 2023 dans une série de messages sur son compte ouvert sur le réseau social X à l’adresse @Toufik2Planoise. Il affirme que L’Est Républicain a « pillé toute la substance de [son] travail, parfois au mot près, sans jamais le citer, avoir tenté de me joindre, ou même pris la peine de solliciter les plaignants [de l’affaire relatée] qui en attesteront si besoin. »
Règles déontologiques concernées
Les textes déontologiques auxquels le CDJM se réfère précisent les obligations du journaliste.
- Il « cite les confrères dont il utilise le travail, ne commet aucun plagiat », selon la Charte
- Il doit « s’interdire le plagiat, la calomnie, la diffamation, les accusations sans fondement ainsi que de recevoir un quelconque avantage en raison de la publication ou de la suppression d’une information », selon la Déclaration des droits et devoirs des journalistes (Munich, 1971, devoir n° 8).
- Il « considérera comme fautes professionnelles graves le plagiat, la distorsion des faits, la calomnie, la médisance, la diffamation, les accusations sans fondement », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 10).
- Il « fera preuve de confraternité et de solidarité à l’égard de ses consœurs et de ses confrères, sans renoncer pour la cause à sa liberté d’investigation, d’information, de critique, de commentaire, de satire et de choix éditorial », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 12).
d’éthique professionnelle des journalistes (SNJ, 1918/1938/2011).
Réponse du média mis en cause
Le 1er septembre 2023, le CDJM a adressé à M. Sébastien Georges, rédacteur en chef de L’Est républicain, avec copie à M. Valentin Collin, journaliste, un courrier les informant de cette saisine et les invitant à faire connaître leurs observations dans un délai de quinze jours, comme le prévoit le règlement du CDJM.
À la date du 12 décembre 2023, aucune réponse n’est parvenue au CDJM.
Analyse du CDJM
➔ L’article de L’Est républicain en cause est résumé ainsi dans son chapô (texte introductif) : « Une violente agression s’est déroulée dans la nuit de vendredi à samedi au centre-ville de Besançon. Une personne transgenre accompagnée d’un ami qui promenait son chien ont été agressés dans la rue Bersot. » Il fait le récit de l’agression, cite des injures proférées par les agresseurs, indique qu’une des victimes a déposé plainte « ce lundi » et qu’« une enquête a été ouverte par les policiers de la sûreté départementale. Les caméras de vidéosurveillance vont être exploitées pour tenter d’identifier les deux auteurs et les interpeller ».
La série de dix messages sur X publiés par le requérant le lundi 7 août à 19 h 02 s’ouvre sur cette première mention qui fait titre : « Récit d’un crime de haine devenu ordinaire, ou quand l’extrême-droite frappe en toute impunité… C’était ce week-end à Besançon, mais jusqu’ici l’affaire ne semble guère passionner autorités, journalistes et politiques. » Sept des neuf messages qui suivent décrivent l’agression, les deux derniers relevant du commentaire.
➔ Le CDJM constate que rien ne permet d’affirmer que le rédacteur de L’Est républicain se soit inspiré des écrits de Toufik-de-Planoise. Il constate que la proximité des textes sur laquelle s’appuie Toufik-de-Planoise n’est pas évidente. Si le journaliste auteur de l’article de L’Est républicain, M. Valentin Collin, prend le soin de protéger ses sources pour rapporter les faits, aucune phrase n’est reprise entièrement des messages de Toufik-de-Planoise. M. Collin mentionne des informations originales qui ne figurent pas dans les messages de Toufik-de-Planoise. Plusieurs précisions apportées par son texte en attestent notamment, et en particulier une indication sur le lieu où se sont réfugiées les victimes, « dans une cour, à proximité de l’école maternelle », le fait qu’une « enquête ait été ouverte par les policiers de la sûreté départementale », et que « les caméras de vidéo-surveillance vont être exploitées pour tenter d’identifier les deux auteurs et les interpeller ».
➔ Le CDJM rappelle que la nécessité de citer un autre média utilisé comme source peut s’analyser en posant la question : « Grâce à qui ai-je pu faire cet article ? » Si la réponse est « grâce au travail d’un autre journaliste », il importe alors de citer celui-ci. Dans le cas de l’article de L’Est républicain objet de la saisine, il apparaît que ce compte rendu de l’agression a pu avoir été fait sans utiliser, ni même connaître, la série de messages sur le compte X @Toufik2Planoise. Quoiqu’il en soit, le requérant n’apporte pas la preuve du contraire, malgré son intime conviction.
Conclusion
Le CDJM, réuni le 12 décembre 2023 en séance plénière, estime qu’on ne peut affirmer que L’Est républicain a voulu délibérément occulter l’origine d’une information qu’il a traitée à partir de ses propres sources, et que l’obligation de citer les confrères dont on reprend le travail n’a pas été enfreinte.
La saisine est déclarée non-fondée.
Cette décision a été prise par consensus.