Avis sur la saisine n° 22-096

Adopté en réunion plénière du 14 février 2023 (version PDF)

Description de la saisine

Le 19 novembre 2022, M. Antoine Samakh, agissant au nom de la société Fazup SARL en qualité de gérant, a saisi le CDJM à propos d’un article publié le 16 novembre 2022 sur le site de la chaîne BFM TV et titré « Du médicament miracle aux patchs anti-ondes : ces très mauvais conseils des influenceurs à oublier ».

M. Samakh saisit le CDJM pour non-respect de l’exactitude et la véracité des faits. Selon lui, dans l’article du 16 novembre 2022, « les produits Fazup sont présentés comme une arnaque prouvée/évidente » et « pour renforcer cette idée, le patch Fazup est comparé à d’autres produits douteux ayant des allégations non fondées, des interdictions de vente ou dont la publicité est réglementée. Placer Fazup dans le même lot que ces produits vise uniquement à discréditer la société Fazup et ses produits ». Il considère que « le rapport de l’Anses [Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, ndlr] de 2013 cité dans l’article est très ancien et n’a pas évalué les produits Fazup » et s’indigne du fait que « la mention au rapport de l’Anses dans l’article [soit] faite sous la forme d’un lien web qui renvoie vers un autre article de BFM TV sur Fazup et non vers le rapport de l’Anses, trompant le lecteur intéressé à lire ce rapport ».

M. Samakh conteste aussi qu’il y ait, comme écrit dans l’article en cause, « absence totale de preuve d’une quelconque efficacité de leur produit ». Il déplore enfin que « le journaliste ne mentionne pas la grande satisfaction des utilisateurs de Fazup, depuis près de dix ans, quant aux améliorations ressenties sur divers désagréments et le bon fonctionnement général du produit ».

Règles déontologiques concernées

Les textes déontologiques auxquels le CDJM se réfère précisent les obligations du journaliste :

  • Il « tient l’esprit critique, la véracité, l’exactitude, l’intégrité, l’équité, l’impartialité, pour les piliers de l’action journalistique ; tient l’accusation sans preuve, l’intention de nuire, l’altération des documents, la déformation des faits, le détournement d’images, le mensonge, la manipulation, la censure et l’autocensure, la non-vérification des faits, pour les plus graves dérives professionnelles », selon la Charte d’éthique professionnelle des journalistes (SNJ, 1918/1938/2011).
  • Il doit « respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître », selon la Déclaration des droits et devoirs des journalistes (Munich, 1971, devoir no 1).
  • Il doit « respecter les faits et le droit que le public a de les connaître », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 1).
  • Il doit « publier seulement les informations dont l’origine est connue ou les accompagner, si c’est nécessaire, des réserves qui s’imposent », selon la Déclaration des droits et devoirs des journalistes (Munich, 1971, devoir no 3).
  • Il « ne rapportera que des faits dont il/elle connaît l’origine, ne supprimera pas d’informations essentielles et ne falsifiera pas de documents. Il/elle sera prudent dans l’utilisation des propos et documents publiés sur les médias sociaux », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 3).

Réponse du média mis en cause

Le 23 novembre 2022, le CDJM a adressé à M. Thierry Arnaud, directeur de la rédaction de BFM Business, avec copie à M. Thomas Leroy, journaliste, un courrier les informant de cette saisine et les invitant à faire connaître leurs observations dans un délai de quinze jours, comme le prévoit le règlement du CDJM.

À la date du 14 février 2023, aucune réponse n’est parvenue au CDJM.

Analyse du CDJM

➔ L’article en cause est consacré aux influenceurs qui « tentent de vendre » à leur public « des produits parfois farfelus, souvent dangereux […] dont l’efficacité est contestée ». Il cite cinq types de produits, dont les patchs anti-ondes « censés “réguler l’émission d’ondes des mobiles à la source” ». Le paragraphe consacré à ces dispositifs pose la question « faut-il des patchs anti-ondes pour protéger les jeunes femmes enceintes ? » et poursuit : « Oui, assure l’entreprise Fazup, qui multiplie les partenariats avec les influenceuses. Non, répondait déjà en 2013 l’Anses, qui soulignait que ces patchs pouvaient, au contraire, forcer le téléphone à émettre encore davantage d’ondes pour compenser ce blocage artificiel. »

➔ Ce rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), qui date d’octobre 2013 et est intitulé « Radiofréquences et santé », vise « à répondre aux questions posées par le développement de nouvelles technologies mettant en œuvre des radiofréquences ». Il présente notamment les résultats d’une étude « de mesure de l’efficacité de dispositifs de protection contre les rayonnements électromagnétiques potentiellement liés à l’exposition aux radiofréquences » qui conclut que « les dispositifs “anti-ondes” testés n’ont montré aucune efficacité ».

➔ M. Samakh récuse cette référence, car « le rapport de l’Anses de 2013 cité dans l’article est très ancien et n’a pas évalué les produits Fazup ». Le CDJM rappelle que le fait qu’un rapport date de plusieurs années ne disqualifie pas nécessairement son contenu. Il note d’ailleurs que la société Fazup, dans un document qu’elle diffuse sur les risques liés à l’utilisation des téléphones mobiles, cite des études de 2010 et de 2012. Il constate en outre que l’article de BFM TV en cause ne dit pas expressément que ce sont les produits Fazup qui ont été testés, mais reprend la conclusion générale de l’Anses sur l’efficacité de ces patchs établie à partir de tests portant sur des « dispositifs “anti-ondes” représentatifs des formats les plus courants rencontrés sur le marché ».

Il relève que des publications plus récentes, comme l’enquête de mai 2016 de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), soulignent « l’absence de reconnaissance scientifique des effets des équipements [anti-ondes] sur la santé ». Il note également que le 12 mai 2022, M. Olivier Merckel, chef de l’unité d’évaluation des risques liés aux nouvelles technologies à l’Anses, affirmait sur Franceinfo qu’« en modifiant la manière dont rayonne le téléphone, ce petit élément métallique peut finalement faire croire au téléphone qu’il est plus loin d’une antenne relais qu’en réalité. La conséquence de ça, c’est malheureusement une exposition supérieure pour la personne. Donc clairement, ces patchs c’est une fausse bonne idée. Au mieux, ça ne fait rien et au pire, ça expose encore plus dans certaines situations les personnes qui les achètent ».

Écrire que ces patchs ne protègent pas les femmes enceintes n’est donc pas une inexactitude compte-tenu des données indépendantes disponibles.

➔ M. Samakh écrit dans sa saisine que « le journaliste Thomas Leroy de BFM n’apporte aucune preuve des effets négatifs prétendus des produits Fazup puisqu’il s’agit d’une hypothèse que l’on fait passer pour des faits ». Le CDJM constate que l’effet “négatif” évoqué par l’article est que le dispositif anti-ondes peut « forcer le téléphone à émettre encore davantage d’ondes pour compenser ce blocage artificiel », et que le rapport de l’Anses vers lequel renvoie un lien est indiqué à l’appui de cette affirmation.

Le choix de ce dernier lien est critiqué par le requérant. Il estime que « le lecteur intéressé à lire [le rapport] est trompé » puisqu’il est envoyé à une autre page du site de BFM TV « et non vers le rapport de l’Anses ». Cet article publié le 12 juillet 2020 consacré uniquement au dispositif Fazup met le rapport de l’Anses en hyperlien. Le CDJM considère qu’il n’y a pas de faute déontologique à renvoyer vers le rapport de l’Anses via un autre article sur le même sujet. Il note que « le lecteur intéressé » sera plus complètement informé puisque, outre le lien vers le site de l’Anses, l’article vers lequel il est dirigé reprend une analyse de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) sur les campagnes de Fazup et donne la parole à ses fondateurs, MM. Antoine et Mathieu Samakh.

➔ M. Samakh développe longuement dans sa saisine une argumentation sur la réduction par son produit du débit d’absorption spécifique (DAS, qui mesure l’énergie des ondes électromagnétiques absorbée par le corps humain) des téléphones pour reprocher au journaliste de BFM TV de confondre « “efficacité sur la réduction des ondes” (mesurée sur le DAS) et “efficacité clinique” ». Il ajoute que « l’efficacité clinique n’a pas été mesurée par le biais d’une étude clinique et à ce titre ne fait l’objet d’aucune allégation santé de la part de Fazup ».

Le CDJM souligne que le sujet de l’article de BFM TV qui fait l’objet de la saisine n’était pas l’efficacité de réduction des ondes du patch, mais l’argumentaire centré sur le « bien-être », sinon sur la santé, utilisé pour le promouvoir, notamment par des influenceurs. Il constate que Fazup n’est pas étranger à une approche en termes sanitaires. Le site de Fazup indique des « résultats impressionnants : –98 % de trouble du sommeil, –95 % de maux de tête, –96 % d’acouphènes ». Ces affirmations reposent sur les avis de 1 000 utilisateurs et n’ont pas de valeur scientifique.

Conclusion

Le CDJM réuni le 14 février 2023 en séance plénière estime que l’obligation d’exactitude et de véracité n’a pas été enfreinte.

La saisine est déclarée non fondée.

Cette décision a été prise par consensus.

close Soutenez le CDJM !