Adopté en réunion plénière du 13 septembre 2022 (version PDF)
Description de la saisine
Le 11 juin 2022, Mme Véronique Hummel a saisi le CDJM à propos d’un article publié le 8 juin 2022 par Magcentre.fr et titré « L’été grenadine ». Mme Hummel a formulé le grief de confusion entre publicité et information. Selon elle, « “L’été grenadine” est présenté comme un article d’information journalistique » car « signé par Estelle Boutheloup, qui fait partie des journalistes du média Magcentre », alors que c’est « un éloge commercial des sirops de grenadine, après une rapide présentation historique pour donner l’impression qu’il s’agit d’une information journalistique ».
La requérante note que « l’article porte la mention “Rubrique Conso soutenue par Codifrance” [Codifrance est une entreprise spécialisée dans la distribution alimentaire dans l’Est et le centre de la France, ndlr] » et en conclut qu’« il s’agit d’un publi-reportage classique, qui ne devrait donc pas être signé par la journaliste, et devrait porter la mention “publi-reportage” ».
Recevabilité
Il s’est avéré au cours de l’analyse du CDJM que Mme Véronique Hummel, requérante, a été administratrice de l’association éditant Magcentre.fr, et a démissionné de cette fonction longtemps avant sa saisine. Rien n’interdit dans les statuts ou le règlement intérieur du CDJM (consultables sur son site) à un administrateur ou un salarié d’un média, a fortiori à un ancien administrateur, de le saisir.
Règles déontologiques concernées
Les textes déontologiques auxquels le CDJM se réfère précisent les obligations du journaliste :
- Il doit « refuser et combattre, comme contraire à son éthique professionnelle, toute confusion entre journalisme et communication », selon la Charte d’éthique professionnelle des journalistes (SNJ, 1918-1938-2011).
- Il doit « ne jamais confondre le métier de journaliste avec celui du publicitaire ou du propagandiste » et « n’accepter aucune consigne, directe ou indirecte, des annonceurs », selon la Déclaration des droits et devoirs des journalistes (Munich, 1971, devoir no 9).
- Il doit « éviter toute confusion entre son activité et celle de publicitaire ou de propagandiste », selon la Charte d’éthique mondiale des journalistes (FIJ, 2019, article 13).
Réponse du média mis en cause
Le 16 juin 2022, le CDJM a adressé à M. Gérard Poitou, responsable de la rédaction de Magcentre.fr avec copie à Mme Estelle Boutheloup, journaliste, un courrier les informant de cette saisine et les invitant à faire connaître leurs observations, comme le prévoit le règlement du CDJM, dans un délai de quinze jours.
Le 21 juin 2022, M. Jean-Jacques Talpin, directeur de la publication de Magcentre.fr, a répondu que le terme de « publi-reportage » utilisé par Mme Hummel pour qualifier l’article en cause lui paraissait « inapproprié », puisque l’article traitait de la grenadine « sous l’angle d’un fait de société et ne [pouvait] donc être considéré comme une quelconque promotion de sa consommation ». Il écrit que « la marque Codifrance n’a pas de lien spécifique avec ce produit » et que « les articles publiés dans cette rubrique “conso” ne sont ni choisis ni relus par Codifrance ». M. Talpin précise en conclusion : « Nous signalons en pied d’article le financement de cette rubrique par la marque Codifrance sous la forme d’un partenariat classique qui exclut toute intervention rédactionnelle de la marque, avant ou après publication. »
Analyse du CDJM
➔ Le CDJM rappelle qu’est considérée communément comme publi-reportage une publicité déguisée en contenu journalistique. La déontologie interdit aux journalistes de collaborer à des démarches publicitaires, donc à un publi-reportage. De son côté, le parrainage est l’association d’un tiers à la publication d’un article ou à la diffusion d’une émission d’information afin de bénéficier d’une visibilité, sans interférence de sa part avec les contenus proposés.
➔ L’article en cause est consacré à un sirop entrant dans la composition de différentes boissons, la grenadine. Il relève de l’information service aux consommateurs sur un produit générique, évoquant son histoire, sa composition et son utilisation. Il n’indique pas de lieux de vente de ce produit. Le CDJM note qu’une seule marque de fabricant de sirop de grenadine est citée dans l’article, les sirops Monin, dont un cadre est interrogé. Mais rien n’indique que l’éditeur de Magcentre.fr ait un intérêt commercial à citer cette marque plus qu’une autre.
➔ En pied de l’article apparaît la mention « Rubrique Conso soutenue par Codifrance » à côté du logo de la société Codifrance, dans lequel les marques grand public de ce distributeur (Coccinelle, Cocci Market, Panier Sympa) sont représentées par des images de petite taille difficilement identifiables. Cela signale le partenariat entre Codifrance et le média, et, indirectement, les enseignes grand public du distributeur.
Cet accord de partenariat « exclut », assure M. Jean-Jacques Talpin, le directeur de la publication de Magcentre.fr, dans sa réponse au CDJM, « toute intervention rédactionnelle de la marque, avant ou après publication ». Le CDJM en prend acte et considère que le contenu éditorial n’étant pas contrôlé par l’annonceur, le grief n’est pas constitué.
➔ Le CDJM suggère cependant que, par souci de clarté pour le public, l’expression « Rubrique conso soutenue par Codifrance » soit complétée par une mention indiquant par exemple qu’il n’y a aucune intervention de la marque dans le contenu publié.
Le CDJM note également qu’il n’est pas certain que cette rubrique consommation existerait sans cet apport financier de Codifrance. Il rappelle que la maîtrise de l’agenda éditorial du média (que publie-t-on ? sous quelle forme ? quand ?) ne peut être abandonnée aux annonceurs et fait partie intégrante de la déontologie du journalisme.
Conclusion
Le CDJM, réuni le 13 septembre 2022 en séance plénière, estime que la règle déontologique de distinction entre publicité et information n’a pas été enfreinte.
La saisine est déclarée non fondée.
Cette décision a été prise par consensus.